Vive la Commune !
C’est toute la France, aujourd’hui, qui participe à l’esprit des Fédérés
Libération,
.
l’hebdomadaire de la Résistance française
[21 mars 1944] - Voici, avec le 18 mars, revenu l'anniversaire de la Commune de Paris. grande date, chère au coeur de tous les travailleurs. Près de trois quarts de sièclo ont passé, et pourtant le souvenir de la Commune demeure aussi vivant que jamais. On a oublié les calomnies soufflées par la peur et par la haine qui cherchèrent à salir les Fédérés, mais on pense toujours à leur héroisme et à l'idéal qui les dressa, frémissants, dans une lutte illégale.
Et il faut bien que le souvenir de la Commune soit puissant puisqu'on doit aujourd'hui constater des tentatives crapuleuses pour le mettre au service d'une cause abjecte, celle-là même que les ouvriers parisiens de 1871 combattirent jusqu'aux abominables massacres de la fin. Dans la France de nouveau vaincue et opprimée, l'ennemi d'alors et d'aujourd'hui et ses complices font peser une telle atmosphère d'imposture qu'on doit s'indigner, mais non point s'étonner, de voir la tourbe de traîtres tenter de s'annexer la mémoire des Communards. Seulement, si l'entreprise est crapuleuse, ella est vaine ! L'histoire ne se laisse pas falsifier au gré d'une mafia qui ne peut avouer ses desseins.
Elle dit au contraire, l'histoire, qu'il y a un parallèle frappant entre la situation de 1871 et celle que nous subissons. L'insurrection du 18 Mars fut celle d'une population dont la volonté de sacrifice n'avait pas été utilisée par des chefs incapables ou félons, qui n'acceptait point la défaite, ni le contact avec l'ennemi, et qu'exaspérait trop légitimement la présence au pouvoir d'une clique réactionnaire empressée à exploiter le malheur du pays.
Cela suffit à situer la frappante similitude des situations et des attitudes. On pourrait pousser plus loin le parallèle, rappeler la fureur des Capitulards que stigmatisait le patriotisme des Fédérés, la peur des Versaillais devant les revendications de justice sociale que les ouvriers parisiens associaient à leur dévouement à la Patrie. Tout se retrouve aujourd'hui, jusqu'aux fusillades des otages qui font pendant à celles du Père-Lachaise. Ce sont les mêmes états d'esprit qui s'affrontent et entre lesquels il n'y a pas de conciliation !
Tout, sauf pourtant ceci, qui fait que la lutte d'aujourd'hui est assurée d'une issue victorieuse. La France a été trahie, abattue, mais non point vaincue. Elle n'est pas seule et les sentiments que la résistance des Français fait naître dans les nations alliées est aussi un des gages de la victoire qui vient à nous. Mais il est encore une autre différence, décisive pour le présent et annonciatrice de belles réalisations pour demain. En 1871, Paris était isolé dans une France hostile : ruraux contre citadins, c'étaient les horreurs de guerre civile. Aujourd'hui, la France est une dans sa volonté de lutter et de renaitre. Campagnards et urbains sont farouchement animés du même esprit. Toute la nation vibre à l'unisson. La Commune d'aujourd'hui, c'est toute la France assoiffée d'indépendance et de liberté.
Vive la Commune !
Libération, no 172, 21 mars 1944
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1481694.item
.