Le web a une force (et donc une faiblesse) : il donne à voir en public des pratiques (et des opinions) qui habituellement ne sortent pas des murs de la classe, sauf en cas d'inspection, ou via les cahiers, ou ce qu'en disent les élèves.
Après la colonisation, le cours magistral.
Les vidéos des RVH de Blois soulignent la domination de la parole. Dans la table ronde sur les Etats faillis, un seul intervenant se sert d'un ordinateur et du powerpoint. Les historiens préfèrent parler, après avoir écrit un livre.
Dans le dernier Cartable de Clio, Pierre-Philippe Bugnard s'intéresse à la généalogie du cours magistral, la rupture de la fin du XIXe (A Prost) ou du XIXe (P Caspard) inversant le rapport entre cours et exercices ( 8 h d'étude pour 4 h de cours en lycée au milieu du XIXe ).
Il s'intéresse aussi au sort de la dissertation en philo au XIXe, étudiée par Bruno Poucet, à l'écart entre les attentes de l'inspection ( développer l'esprit critique... des profs plutôt que celui des élèves) et la réalité de l'agrégation ( les candidats n'y parviennent pas) et celle de la classe, les élèves ayant à davantage à apprendre et à reproduire un état des connaissances admises qu'à débattre rationnellement d'une thèse. (« il n'est pas inutile à des élèves de voir leur professeur penser en quelque sorte devant eux » écrivent les inspecteurs de philo en 1890...).
L'article de PP Bugnard (2010) n'est pas en ligne, mais celui de Bruno Poucet en 2001 l'est.
http://histoire-education.revues.org/index1007.html
http://histoire-education.revues.org/index844.html
Sur le web, pour lire PP Bugnard sur « l'écart entre les intentions d’enseignants animés d’une véritable illusion constructiviste et les activités réelles des élèves » (1), il faut aller sur le site des Cahiers pédagogiques, dans le no sur Apprendre l'histoire (mars 2009) et lire son CR sur une note de synthèse de la Revue Française de Pédagogie (2008).
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article4292
Le Cours magistral : modalités et usages (XVIe-XXe siècles) a été au coeur d'un séminaire du Service d'histoire de l'éducation en 2006. Les Ressources documentaires sont en ligne (cahiers d'élèves) ais pour lire en ligne l'introduction d'Annie Bruter, dans la revue Histoire de l'Education (2008), il faudra soit attendre 2013 soit débourser 5 euros à Cairn, pour une revue qui coûte 10 euros aux abonnés. Une présentation du séminaire est en ligne... mais date de 2004.
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Ne pourrait-on envisager des formes plus légères et plus réactives de circulation pour des recherches menées sur fonds publics ? Avant le web, c'était tout l'intérêt de "la littérature grise" et des conférences organisées dans le cadre de la défunte formation continuée.
Aujoud'hui, le web permet une diffusion élargie.
A condition de l'intégrer pleinement dans le mouvement des idées et dans la formation intellectuelle.
Et de prendre en compte ces publications dans une carrière professionnelle.
Au lieu de se complaire paresseusement dans la lamentation et dans une légende noire du web.
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(1) dans ce CR, PPB note « l'écart entre les intentions d’enseignants animés d’une véritable « illusion constructiviste » et les activités réelles des élèves plutôt confinées aux opérations intellectuelles de « basse tension ». La structure même du cours dialogué renforce le constat d’un modèle d’enseignement clos, en cinq temps : question/réponse/évaluation (sanction)/formalisation/compléments. L’enseignant contrôle le processus d’argumentation et de vérité en asseyant l’autorité du savoir comme la sienne. L’élève, privé d’une réelle responsabilité énonciatrice, est simplement invité à adhérer au discours à apprendre ».
« ...dans la logique constructiviste canonique, les savoirs s’élaborent contre les erreurs, par franchissement et non contournement de l’obstacle des représentations spontanées... »
Selon lui, « ...on peut renverser le contrat didactique, avec des situations d’enseignement-apprentissage réflexives auxquelles même les élèves moins préparés ou rétifs se plient volontiers. Sinon, on continuera d’assister au détournement du modèle constructiviste dont les étapes (collecte de données, mise en relation, hypothèses, tentatives d’explication, synthèse) sont rapidement réduites à une formule impositive avec au final une conclusion plaquée, sans que les élèves n’aient la possibilité d’entrer dans la dimension critique de l’histoire ».
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