Le Cercle d'étude : de gauche à droite, Henry Bulawko, Pierre Truche, Hubert Tison
Henry Bulawko, Résistant, déporté, témoin engagé (1918-2011)
président d’honneur de l’Amicale des déportés d’Auschwitz (devenue depuis l’UDA - Union des déportés d'Auschwitz)
« Né en 1918 en Lituanie, il arrive en France en 1925 et ne parle alors que le yiddish. Il s'éloigne de la tradition rabbinique, que son père, lui-même rabbin, voulait lui faire suivre et fréquente l'école laïque, rue des Hospitalières-Saint-Gervais, dans le 4ème arrondissement de Paris.
Dans les années Trente, il travaille pour le Comité central d'aide aux émigrants, sa connaissance de la langue yiddish lui permettant d'entrer en contact avec les immigrants juifs d'Europe centrale et orientale. Il participe aussi aux activités du mouvement de jeunesse sioniste Hashomer Hatzaïr3, d'orientation socialiste et laïque.
Avec des jeunes de cette association, il travaille dans le Comité de la rue Amelot (11ème arrondissement), créé le 15 juin 1940, et s'engage dans le sauvetage d'enfants juifs convoyés en région parisienne et en zone non occupée. Il développe la fabrication de faux papiers (avec Berthe Zysman), la rédaction de tracts et la diffusion de journaux, en relation avec le mouvement Solidarité, d'obédience communiste, jusqu'à la fin de 1941.
Prévenu par un policier de la rafle de l'été 1941, il échappe aux arrestations, mais il est appréhendé, le 19 novembre 1942, au métro Père-Lachaise, alors qu'il est en possession de fausses cartes d'identité. Arrêté sous l'accusation d'avoir caché son étoile jaune, il est amené au commissariat de police du 20ème, mais parvient à détruire des papiers compromettants. Identifié comme Juif, il est transféré dans le camp de Beaune-la-Rolande, puis de Drancy. Il est déporté à Auschwitz-Birkenau, le 18 juillet 1943, par le convoi 57, puis interné à Jaworzno.
Après son retour par Odessa et Marseille, il devient journaliste et écrivain ; il témoigne à l'oral et par écrit. Il est élu président de l'Amicale des anciens déportés juifs de France, puis président de l'Amicale d'Auschwitz et des camps de Haute-Silésie, et enfin président d'honneur de l'Union des déportés d'Auschwitz ».
source : La répression de la Résistance en France : des résistants déportés juifs témoignent (cnrd 2010-2011)
http://www.cercleshoah.org/IMG/pdf/livret_repression.pdf
Hommage à Henry Bulawko à la Fondation Rothschild
80, rue de Picpus 75012 Paris
Vendredi 2 Décembre 2011, de 9H45 à 10H45
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article113
L'hommage rendu par Raphaël Esrail, président de l'UDA
extrait :
« ... Avec toi Henry disparaît aujourd’hui un éminent représentant de l’histoire juive de la France. Disparaît aussi un de ces enfants arrivés en France dans les années 1920, qui venaient de cette aire culturelle aujourd’hui anéantie, le « yiddish land », ces émigrés juifs souvent très humbles qui ne connaissaient pas la langue française, qui fuyaient la misère, l’antisémitisme quand ce n’était pas les pogroms.
Marqué dans ta chair par la haine antisémite, tu t’es battu au nom de valeurs universelles pour que survivent la mémoire de la Shoah et ta culture d’origine, t’engageant ainsi pour ces hommes, ces femmes et ces enfants, bafoués, humiliés, massacrés par le nazisme.
Merci à toi Henry ... ».
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article207
Henry Bulawko, "porteur de mémoire" jusqu'à son dernier jour
Thomas Wieder - Le Monde - Carnet 03/12/2011
Peu d'anciens déportés ont, avec une telle constance et pendant de si longues décennies, œuvré pour perpétuer le souvenir de la Shoah. Mort dimanche 27 novembre au lendemain de son 93e anniversaire, Henry Bulawko faisait partie des rares rescapés à avoir endossé, dès leur retour des camps nazis, le rôle de " porteur de mémoire ". Et à en avoir fait l'engagement de toute une vie.
Cette vie bascule, le 19 novembre 1942, quand un policier français l'arrête au métro Père-Lachaise sous prétexte qu'il dissimule son étoile jaune sous sa gabardine. Henry Bulawko est alors un jeune homme de 23 ans déjà très engagé dans la vie de la communauté juive. Fils et petit-fils de rabbin, né en Lituanie en 1918 et arrivé à Paris à l'âge de sept ans, il est l'une des chevilles ouvrières du " Comité de la rue Amelot ", une organisation clandestine créée en 1940 pour fournir aux juifs persécutés des fausses pièces d'identité, les aider à franchir la ligne de démarcation et organiser le sauvetage des enfants.
DES " MARCHES DE LA MORT " AU TRAVAIL ASSOCIATIF
Interné à Beaune-la-Rolande puis à Drancy, où il reste huit mois au total, Henry Bulawko est déporté en Pologne le 18 juillet 1943. Là, il est affecté au camp de Jaworzno, l'un des nombreux commandos satellites dépendant de l'immense complexe concentrationnaire d'Auschwitz, où les détenus sont affectés à deux tâches principales : l'extraction du charbon et la construction d'une usine d'électricité.
Survivant des terribles " marches de la mort " qui suivent l'évacuation des camps dans les semaines précédant l'effondrement du Troisième Reich, il retrouve finalement Paris en mai 1945. Quelques jours plus tard, il participe à la fondation de l'Association des anciens déportés juifs de France.
Engagé dès l'immédiat après-guerre dans un travail associatif qui ne cessera pas, Henry Bulawko ne fait pas partie, en revanche, des tout premiers à témoigner. Préférant se taire quand d'autres brisent le silence, tels Louise Alcan, Suzanne Birnbaum, Pélagia Lewinska, André Rogerie ou Georges Wellers, dont les souvenirs sur Auschwitz paraissent au lendemain de la Libération, il ne prend la plume que quelques années plus tard. C'est en 1954 que paraît son témoignage, Les jeux de la mort et de l'espoir. Il sera réédité en 1980, avec une préface du philosophe Vladimir Jankélévitch.
TENIR TÊTE AUX NÉGATIONNISTES
Président d'honneur de l'Union des déportés d'Auschwitz, Henry Bulawko était présent sur tous les fronts de la mémoire. Très impliqué dans l'organisation des commémorations, comme celle qui a lieu chaque 16 juillet en hommage aux victimes de la Rafle du Vel' d'Hiv', il avait fait partie des rescapés venus témoigner au procès de Klaus Barbie, l'ancien chef de la Gestapo lyonnaise, en mai 1987. Il n'hésitait pas, quand il l'estimait nécessaire, à tenir tête aux négationnistes.
Longtemps président de la commission du souvenir au sein du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), ce défenseur de la culture yiddish ne dissociait pas son combat pour la mémoire des enjeux du présent. Engagé à la fin des années 1930 au sein de la branche française de l'Hashomer Hatzaïr (" la jeune garde ", en hébreu), cofondateur, en 1954, du cercle Bernard-Lazare, du nom de cet intellectuel français connu pour son engagement sioniste et dreyfusard, il était resté fidèle toute sa vie à ses idéaux de jeunesse, défendant avec autant de force l'existence de l'Etat d'Israël et la nécessité de faire la paix avec les Palestiniens.
Commandeur de la Légion d'honneur depuis 1999, cet homme hanté par les malheurs du siècle mais habité par une grande joie de vivre – il est notamment l'auteur d'une précieuse Anthologie de l'humour juif et israélien (Bibliophane, 1988) – était retourné une dernière fois à Auschwitz le 27 janvier 2005. Soixante ans jour pour jour après l'entrée des soldats soviétiques dans le camp, Jacques Chirac, alors président de la République, avait alors prononcé ces mots : " Merci à vous en particulier, chère Simone Veil, merci à vous, cher Henry Bulawko : à travers vous, c'est à tous les témoins de l'inimaginable que je veux dire notre admiration et la reconnaissance de la France. "
25 novembre 1918 Naissance à Lyda (à l'époque en Lituanie, aujourd'hui en Biélorussie)
1943-1945 Déporté à Auschwitz
1954 " Les Jeux de la mort et de l'espoir " (éd. AADJF)
27 novembre 2011 Mort à Paris
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