La religion n’est pas un service public, Henri Pena-Ruiz, Libération 29/03/2011
« Apparemment notre république serait trop pauvre pour faire vivre des grands services publics communs à tous, croyants, agnostiques et athées. Asphyxie organisée de l’école publique, démantèlement des hôpitaux de proximité, privatisations en tous genres, etc. L’ultra-libéralisme fait son œuvre. La solidarité redistributive n’est plus à l’ordre du jour. En revanche la république serait assez riche pour financer des lieux de culte, qui ne concernent pourtant que les croyants pratiquants, une petite minorité. M. Sarkozy prône le supplément d’âme d’un monde sans âme. La terre vous paraît bien injuste voire invivable ? Réfugiez-vous donc dans le ciel ! Le protecteur des nantis ose dire sans ambages : « La république a besoin de croyants » (discours au palais du Latran).
La religion réduite à une compensation, et reconnue d’utilité publique ? Napoléon, que ne hantait pas une foi très vive, avait expérimenté la recette avec son concordat, qui aujourd’hui encore en Alsace-Moselle fait financer par tous les citoyens, croyants ou non, le culte de certains. Les mauvais coups contre la laïcité n’ont cessé. Voici venir le coup de grâce ...: la destruction de la loi de 1905 … Ne sacrifions pas l’universel sur l’autel du particulier. Préservons la laïcité ».
Lire Henri Pena-Ruiz, Qu’est-ce que la laïcité ? Gallimard, Folio 09/2003
http://clioweb.free.fr/debats/laicite.htm
« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance » - N Sarkozy - Rome 20 décembre 2007
Une telle caricature et un tel mépris des éducateurs, que les conseillers les plus réacs ont directement copiée-collée des discours de combat de la droite catholique en guerre contre la Seconde République en 1849-1851, donnent-ils vraiment légitimité à parler de laïcité en 2011 ?
- Les religieux s'unissent pour dire non au débat voulu par NS et l'UMP. Le Parisien 29/03/2011
Curieux médias ! En choisissant de titrer hier sur les chefs religieux, ils ont illustré une dérive durable :
- Ils semblent croire que l'agitation de marionnettes dans une pré-campagne lancée trop hâtivement va leur faire vendre du papier, ou du moins éviter d'affronter les vrais enjeux politiques et sociaux.
- Ils vendent l'image d'un pays sous la coupe de six « grandes » religions ! Ce faisant, ils prêtent aux religieux une légitimité bien supérieure à la réalité des pratiques dans un pays où les citoyens ont pris depuis une génération leur distance avec les institutions, y compris religieuses. cf Danielle Hervieu-Léger - Le Mans 2002
- Curieuse société ! Ceux qui parlent le plus fort de laïcité sont souvent les héritiers de ceux qui l'ont combattue avec le plus d'acharnement et de constance ... (cf le parti dit « de l'ordre » en 1850, l'ordre dit « moral » en 1873 - cf le sacré coeur...)
Beaucoup semblent occulter la différence entre liberté de conscience et liberté de croyance. Pour les plus réacs, un rationaliste républicain est forcément un NON-croyant. Caricaturer en « laïcard » ou « laïciste » un homme aux fortes convictions humanistes, cela dispense de débattre avec lui et de l'inviter dans les médias ...
Quelques textes à relire, dans un long combat pour la liberté de pensée :
- Voltaire, Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763),
http://www.etudes-litteraires.com/voltaire-tolerance.php
- Victor Hugo, dans son réquisitoire contre la loi Falloux (1850) :
http://clioweb.free.fr/textes/hugo1850.htm
« Ah ! nous vous connaissons ! nous connaissons le parti clérical. C'est un vieux parti qui a des états de services. (On rit.) C'est lui qui monte la garde à la porte de l'orthodoxie. (On rit.) C'est lui qui a trouvé pour la vérité ces deux étais merveilleux, l'ignorance et l'erreur. C'est lui qui fait défense à la science et au génie d'aller au-delà du missel et qui veut cloîtrer la pensée dans le dogme. Tous les pas qu'a faits l'intelligence de l'Europe, elle les a faits malgré lui. Son histoire est écrite dans l'histoire du progrès humain, mais elle est écrite au verso. (Sensation.) Il s'est opposé à tout. (On rit.) »
- La loi de 1905 :
« Art 1 - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
Art. 2. - La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte... »http://clioweb.free.fr/dossiers/1905/1905.htm