Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Clioweb, le blog
memoire
1 novembre 2012

Caen : Mémoriales 2012

 

caen-memoriales



Les Mémoriales, La Seconde Guerre Mondiale aujourd’hui
Mémorial de Caen, 7-12 novembre 2012

Parmi les activités annoncées :

Mercredi 7 novembre
14h30-17h00 I Séminaire : « La figure du traître et du collabo »

19h15-22h00 : conférence d'Antony Beevor, « La Seconde guerre mondiale : une guerre planétaire à redécouvrir »


Jeudi 8 :
9h30-18h colloque : « La police de sécurité allemande et ses auxiliaires en europe occupée (1940-1945) : nouvelles recherches et perspectives comparées »

20h30 : « Dénoncer sous l’occupation », documentaire de David Korn-Brzoza
suivi d'un débat avec Laurent Joly.


Vendredi 9
9h30-10h30 : « Repenser la Solution finale »

10h30-11h30 : « À quoi pensent-ils en massacrant ? »
Jacques Sémelin et Florent Brayard modérateurs

14h00-15h30 : « La Shoah par balles : nouvelles recherches »


Samedi 10
11h00-12h30  : « aspects méconnus de la Résistance : faits et mémoires »
Cécile Vast, modératrice

11h30-12h30 : « Les « oubliés » de la Déportation »

15h00-16h00  : « Témoigner de la persécution et de la déportation »

17h00-18h00  : « Histoire et mémoire : le noeud gordien des historiens ? »
Annette Wieviorka et Pierre Laborie


Dimanche
14h30-16h00 : « Musique et chanson en temps de guerre »


Lundi 12 : Journée pédagogique avec des tables rondes

9h30 - « Mémoire et histoire »

13h30-15h30 : Mémoriaux et parcours pédagogiques

16h-18h : « La place de l’histoire à l’école »
dont JB Pattier, La 2GM enseignée dans 8 pays européens depuis 1945


programme complet au format pdf
http://www.memorial-caen.fr/memoriales/images/les-memoriales.pdf

http://clioweb.canalblog.com/archives/2012/10/22/25394295.html

Publicité
Publicité
22 octobre 2012

Caen : Mémoriales 2012


dans l'agenda du Mémorial de Caen

Mercredi 7 novembre 2012
Conférence « Le musée : Enjeu de tourisme d’histoire et de développement territorial »
- Séminaire « Seconde Guerre mondiale » de l’UFR d’histoire
- 19 h15 - Conférence d'A Beevor « La 2GM : une guerre planétaire à redécouvrir »

Jeudi 8 novembre 2012 (9 h à 18 h)
Colloque « junior » Ciera
thème : La police de sécurité allemande et ses auxiliaires en Europe occupée (1940-1945) : nouvelles recherches et perspectives comparées »

Vendredi 9 novembre 2012
- Séminaire : « L’actualité de la recherche en partenariat avec le Mémorial de Caen »
Séminaire : « Images et représentation de la Seconde Guerre mondiale »•
- La face cachée d’une renaissance. La production, les producteurs 1939-1944
projection du film d’Alain Tyr et Francis Gendron suivie d'un débat
- Conférence : « Le succès de la Seconde Guerre mondiale à la télévision »

Samedi 10 et dimanche 11 novembre 2012
Salon du livre
- Tables rondes
- Cafés littéraires
- Animations : visites guidées, atelier pédagogique

Lundi 12 novembre 2012
- Journée pédagogique « Mémoire et Histoire »
- Groupe de réflexion sur « La place de l’histoire à l’école »
- Conférence par Pierre Nora « L’historien dans la cité : son rôle, son action, son engagement »


rappel :
Mercredi 24 octobre, 9h30 - 17h15
La persécution antisémite en France : le tournant de l'année 1942
http://www.memorial-caen.fr/portail/images/Programme0913.pdf

Le tournant de l’année 1942 : les rafles et l’internement des Juifs en France
L’opinion française face au port obligatoire de l’étoile jaune aux premières rafles. Histoire et mémoire.
La mémoire de la Shoah en France : du témoignage à la représentation filmique

Mercredi 24 octobre, 20h30
Ce qu’ils savaient. Les Alliés face à la Shoah
projection et débat en présence de la réalisatrice Virginie Linhart
et de la productrice Fabienne Servan Schreiber


.

9 décembre 2011

A. Wieviorka : L’heure d'exactitude - 1

 

 heure-exactitude
source : Albin Michel - France 5

Annette Wieviorka - L’heure d'exactitude - Histoire, mémoire, témoignage.
Entretiens avec Séverine Nikel - Collection « Itinéraires du savoir », Albin Michel 2011

La Fabrique de l'histoire, 9/12/2011 vers la 24e minute
http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-histoireactualites-du-vendredi-091211-2011-12-09
http://memoiresvives2.files.wordpress.com/2011/11/memoires-vives-2011-11-27-annette-w-sc3a9verine-n.mp3

Une famille décimée par les nazis,
un engagement politique maoiste (avec un séjour de 2 ans à Canton, en Chine - 1974-76),
20 ans d'enseignement en lycée,
une thèse sur Déportation et Génocide (dirigée par Annie Kriegel)
un travail pionnier et central sur la mémoire de la Shoah (cf L'ère du témoin)
un retour sur le yiddish et la judaïté
ses réserves sur certains usages du prétendu devoir de mémoire...

L'écouter aussi faire l'éloge d'Emanuel Ringelblum et de l'ouvrage de Kassow.
Samuel D. Kassow, Who Will Write Our History ? Emanuel Ringelblum, the Warsaw Ghetto, and the Oyneg Shabes Archive 
Samuel D. Kassow, Qui écrira notre histoire ? Les archives secrètes du ghetto de Varsovie - Grasset 2011
http://fr.wikipedia.org/wiki/Emanuel_Ringelblum

L'émission rend hommage à Henry Bulawko, le militant sioniste de gauche, le résistant (comité de la rue Amelot), la grande figure d'une association de déportés (vers la 23e minute).

.
rappels
- Mémoires de la Shoah
Sur le site de l'INA, Annette Wieviorka s'entretient pendant 7 heures avec JB Peretié
http://clioweb.canalblog.com/archives/2010/04/07/17491914.html

- En 2008, elle retrace son parcours intellectuel et politique 
dans l'émission A voix nue.
http://clioweb.free.fr/presse/aw.htm

- La page du CNRS (publications, colloques, conférences) :
http://irice.univ-paris1.fr/spip.php?article115

annette-wieviorka

source : http://memoiresvives.net

6 avril 2011

Rennes : histoire et mémoires

Lors des prochaines Rencontres de Libératon à Rennes
http://www.liberation.fr/forumrennes.html
(les débats suivants affichent déjà complet)

vendredi 15 avril, 

14 30 : À qui appartient l'histoire ?
avec Hervé Lemoine, directeur du Musée des monuments français et Nicolas Offenstadt, historien

16 30 : Devoir d'histoire, devoir de mémoire
avec Claude Lanzmann, écrivain et cinéaste et Pierre Nora, historien

La mémoire n’est pas un devoir. Claude Lanzmann
««  Grâce à Shoah (le film), le savoir historique change de nature, on assiste ... à une incarnation de la vérité (Vérité?), le contraire de la faculté d'aspetisation de la science, même de la science historique »». Lanzmann, toujours aussi suffisant, se compare à Primo Levi et à Raul Hilberg. Hors des 9 h 30 de Shoah, point d'histoire, point de salut ! :-) 
http://www.liberation.fr/tribune/01012329780-la-memoire-n-est-pas-un-devoir

- L’historien doit connaître et faire connaître, Pierre Nora
« Le seul devoir ... d’un historien est de faire le «métier» qu’il a choisi. Il consiste à connaître et à faire connaître ; donc à savoir toujours davantage. A sentir et à faire sentir la différence des temps, ce qui suppose la convocation des mentalités, des sensibilités disparues et des mémoires. A comprendre et à faire comprendre, ce qui exige l’établissement des rapports, le sens du relatif et la mise en perspective ... »
http://www.liberation.fr/tribune/01012329781-l-historien-doit-connaitre-et-faire-connaitre 

18 h 30 : De la désobéissance civile  et de son bon usage,  avec William Bourdon, avocat et fondateur de l'association Sherpa et Monique Canto-Sperber, philosophe. La directrice de l'ENS et la désobéissance civile !!!

samedi 16 avril
16 h 30 - 
Aborder l'égalité fille / garçon dès le plus jeune âge ? avec Jean-Paul Lilienfeld, réalisateur et scénariste et Geneviève Fraisse, philosophe.

 .
Les enregistrements des débats de 2010 (Le bonheur, une idée neuve),
sont toujours disponibles en ligne au format mp3.
Lire également qq présentations :
http://www.forumlibe2010.rennes.fr/index.php?id=3109

Y a-t-il de la place pour de nouvelles utopies ?
Pierre Rosanvallon, Daniel Cohn Bendit
http://www.liberation.fr/societe/0101632817-y-a-t-il-de-la-place-pour-de-nouvelles-utopies 

Pierre Rosenvallon, Réinventer la démocratie (Grenoble) :
http://ratc9435ez.free.fr/economy/rosanvallon/


28 janvier 2011

P Laborie, INRP 2006

 

INRP - ESCHE-ECEHG - Mémoires, Histoire et Identités
Journées de formation INRP Lyon  25, 26 et 27 octobre 2006


Histoire et mémoires de Vichy et de la Résistance, Pierre Laborie, EHESS
copyright Pierre Laborie & INRP

http://web.archive.org/web/20080908105424/http://ecehg.inrp.fr:80/ECEHG/former/memoires-histoire-identites/les-conferences-debats-des-journees-memoires-histoire-identites/journee-du-27-octobre-guerres-shoah-et-resistance


L’historien, spécialiste de L’opinion publique sous Vichy, fait de nombreux parallèles avec le propos de Nicolas Offenstadt : il y a selon lui une vision dominante de l’histoire de la période, sans débat ouvert et public, comme c’est le cas avec 1914-1918 autour de l’Historial de Péronne.

notes personnelles à partir du fichier audio en mp3
http://dl.free.fr/prJ1VDzcB
version pdf :
http://clioweb.free.fr/dossiers/39-45/laborie-inrp-2006.pdf


3 thèmes abordés :
- La question des comportements collectifs des Français durant la 2 GM
Quelles ont été les attitudes des Français face à Vichy et l'Occupation ?
- La mémoire de la Résistance, un enjeu d’affrontements
pas d'école de Péronne, mai débat étouffé, masqué
- Poser des thèmes de réflexion sur les enjeux de mémoire


1 - La question des comportements collectifs des Français durant la 2 GM

L’historien constate le décalage formidable entre l’étude du régime de Vichy et de son fonctionnement et le vide sur ce que ce que les Français ont pu penser et vivre. Ceux qui ont étudié cette période savent d’expérience que l’on ne peut aboutir à des avis tranchés. Pourtant, les médias attendent des réponses toutes faites. Les journalistes adorent la mémoire : elle leur fournit des jugements catégoriques et définitifs sur de mauvaises questions (Tous résistants ? tous collaborateurs ?). Sur un sujet trop complexe pour être traité en noir et blanc, ils en oublient le poids des représentations et des constructions. Ils diffusent ces jugements comme des « vérités », sans lecture critique et sans prise en compte de la chronologie.

La vision de la période 1940-1945 a beaucoup évolué.
Dans un premier temps, c’est la vision d’une France héroïque qui l’a emporté : les Français auraient été en grande majorité dressés contre l’occupant, la France aurait été « résistante »

Après 1971-73 (Le Chagrin et la Pitié, Robert Paxton), le balancier est allé dans l'autre sens : le peuple français aurait été veule, lâche, il aurait eu le ventre à la place du cerveau et du cœur. J’exagère à peine, quand on relit ce qui a été écrit sur la prétendue société française sous Vichy dans les années 70-80. On est effaré.

Depuis, le balancier s’est remis très légèrement non pas vers le milieu, mais quelque chose qui s’en rapproche, avec néanmoins énormément de problèmes.

Un exemple. « Ete 44 », le documentaire de Patrick Rotman a beaucoup de succès et passe en boucle à la TV. Il est parfois présenté comme une réflexion aboutie sur ce qu’a été la société française pendant cette période. Beaucoup d’historiens prestigieux, de cette école qui n’existe pas mais qui est un lien de pouvoir très important (Sciences-po, le magazine L’Histoire, la revue Vingtième siècle) placent comme une évidence une certaine idée des choses.  Dans ce contexte, P. Rotman pose comme évidence et répète une affirmation : la France de l'Occupation, c'est 100 000 collaborateurs face à 100 000 résistants, avec entre les deux, une masse résignée, inerte, amorphe, inerte.

Cette vulgate mémorio-médiatique entretient beaucoup de confusion.
Entre autres défauts, PL relève l’écrasement de la chronologie, la non prise en compte de la diversité des situations dans le temps et l’espace, des variables culturelles et régionales, des mutations dans les sensibilités, la pratique de l’anachronisme mental, la négation de la dimension sociale des phénomènes étudiés.

Ainsi, en admettant même que l’importance numérique des deux minorités engagées et opposées soit du même ordre - ce qui reste d’ailleurs à prouver - leur place et leur statut dans le tissu social n’est pas comparable. À l’exception des militants des partis collaborationnistes (phénomène minoritaire et essentiellement limité aux grands centres urbains) les collaborateurs n’ont pas bénéficié de véritable soutien dans l’ensemble du corps social. Pour sa part, la Milice a été très vite rejetée et le plus souvent haïe).
A l’opposé, la Résistance prend appui sur des millions de gestes anonymes ; il n’y a pas marginalité, la Résistance n’est pas isolée du reste de la nation, une population nombreuse participe à un processus de refus qui s’exprime sous des formes multiples en dehors de la lutte armée
Il ne suffit donc pas de comparer des chiffres et des pourcentages et en tirer des conclusions non fondées.
PL est scandalisé par le discours médiatique dominant, et par l’absence de contradictions chez les historiens.

La réussite de cette vulgate tient à de très nombreux facteurs :
il n’y a pas quelqu’un qui tient les ficelles, mais la situation ressemble au refus du débat sur 14-18

Le succès du film Le Chagrin et la Pitié tient au contexte, après 1968, et à une génération qui avait besoin d'une vision iconoclaste pour fonder son identité. On en avait assez d’entendre des balivernes. Or le propos du film est parfois à la limite de l'imposture. Un seul exemple, la vision oublieuse et réductrice de la Résistance dans une ville qui a contribué à son histoire (Jean Cavaillès, le mouvement Libération, l’université de Strasbourg réfugiée, etc)

Robert Paxton a dit des choses fondamentales.. Il est instrumentalisé quand on lui fait dire que les Français ont été tous des collaborateurs fonctionnels. Mais son sujet, c'est le fonctionnement de l'Etat et le choix idéologico-politique de la collaboration d’Etat. Pas le comportement des Français face à l’Occupation.

La redécouverte du témoignage a joué un rôle important. Après 1968, la fascination est réelle devant ceux qui parlent, devant les silencieux et les oubliés de l’histoire qui ont enfin la parole, qui sont écoutés, et qui ne peuvent dire que la vérité. Le manque d'esprit critique (des historiens qui les écoutaient) a été parfois effarant.
 
Par la suite, la place de la mémoire a exercé une autre fascination. L'apport des représentations est énorme, celles-ci permettent d’analyser autrement les processus historiques. Là encore les excès ont vite guetté : les journalistes ont été séduits, car le fonctionnement du discours mémoriel est très proche des mécanismes du langage médiatique (on juge, on tranche, on coupe...). Quand la question habituelle des médias, c’est : tous résistants ? tous collaborateurs, cela commence mal. De plus, l’engouement en faveur des représentations a renouvelé l’écriture de l’histoire, mais fait oublier des éléments importants étudiés par la génération précédente.

L’idée que l’on se fait de ce que fut la France pendant la 2°GM est devenue un élément de l'identité française contemporaine. Dans l’opinion commune, en France et à l’étranger, en Israël mais pas seulement, cette représentation se nourrit souvent des poncifs et des stéréotypes véhiculés par la vulgate, en accentuant ses aspects les plus gris.

Ceci explique le succès et l’audience d’un ouvrage comme celui de Philippe Burrin sur La France à l’heure allemande (1995). L'auteur y décrit « l'accommodation » de l'ensemble des Français devant l’occupation nazie. C'est aller vite en besogne dans une histoire beaucoup plus compliquée. C’est aussi faire de la collaboration la référence déterminante des comportements, ce qui peut être discuté dans un pays où la collaboration a été majoritairement rejetée, dès Montoire et l’automne 1940.



2 - Les enjeux de la mémoire de la Résistance :

dans la vulgate, la Résistance a été soumise à un traitement de recyclage multiple :
    - Elle a été réduite de plus en plus à l’importance de ses seuls effectifs, généralement moins de 1 % de l’ensemble de la population… un critère qui mérite discussion
    - On a ensuite questionné son rôle militaire (généralement pour conclure à son inefficacité, par exemple lors de la Libération) .
    -  L ‘histoire de la Résistance a souvent été réduite à un théâtre d’affrontements politiques et à une guerre des chefs (cf les polémiques autour de Jean Moulin). L’assise sociale est trop souvent négligée.
    - Elle a été identifiée aux tentatives d'instrumentalisation politique : celle du PCF et de ses  « 75 000 fusillés » celle du gaullisme, deux courants qui ont cherché à fonder sur elle leur légitimité historique.

    On lui a imputé les bavures : les manuels évoquent l’épuration « sauvage ». Ce terme vient de l’extrême droite et des nostalgiques de Vichy. Les auteurs de manuels le reprennent trop souvent comme " allant de soi ", sans faire attention à sa charge politique et idéologique, alors qu’existent les notions d’épuration « extra-judiciaire » ou d’ »exécutions sommaires », moins connotées.
    Des auteurs de manuels font aussi référence au " mythe résistancialiste ", achevant un glissement sémantique continu («  Résistance » puis « résistancialisme », puis « mythe résistancialiste », avec un risque évident de confusion et de fausses équivalences. Or le terme vient aussi des mêmes milieux nostalgiques avec l’objectif de dénigrer l’action des résistants et le rôle de la Résistance : l'abbé Desgranges a écrit en 1946 " Les crimes masqués du résistantialisme " (écrit avec un " t ")


« Le dictionnaire historique de la Résistance » représente plusieurs années de travail sérieux par une grand nombre d'historiens. Il n’est sans doute pas irréprochable, mais il comble un vide considérable. Or la sortie du dictionnaire a été accompagnée d'un silence quasi total dans la presse nationale, Le Monde ou Libération faisant juste le service minimum. Seule la presse régionale en a rendu compte convenablement, ce qui ne tient peut-être pas au seul hasard.

Au total, la vulgate mémorio-médiatique dénature le rôle et les valeurs de la Résistance. Elle en conteste la dimension, l’importance historique, la singularité et l’identifie à un « mythe », entendu au sens de la fable, voire de l’invention. On cherche à nier la singularité de la Résistance par tous les moyens.

 
3eme partie -  Quelques thèmes de réflexion sur les enjeux mémoriels :

La vulgate mémorielle enferme l’histoire de la France de la 2GM dans des cadres simplistes qui nourrissent la confusion
Or il est nécessaire de ne pas en rester au noir et blanc, d’entrer dans la complexité des situations :
« Tout ce qui n'est pas action contre l'occupant n'est pas passivité et complicité avec lui ».
« Tout ce qui est refus de la soumission n'est pas acte de résistance ».
Un réfractaire au STO n'est pas un résistant s’il cherche seulement à se cacher pour échapper à la loi, même s’il est dans une attitude d’insoumission.
Le cardinal Saliège (en fait l’archevêque)  n’est pas un résistant.

Il faut sortir du simplisme, et enseigner en utilisant d'autres concepts, comme les stratégies de contournement (cf les stratégies d'esquive des soldats de 14-18), mettre l’accent sur les pratiques sociales du quotidien, de préférence aux idées générales et aux " modèles " d’analyse globale.

Il faut éviter de juger en bloc. Il faut essayer de montrer les articulations de sens entre le singulier et le collectif. Des millions de gestes anonymes ne font pas de chacun de leurs auteurs des résistants. Mais l'ensemble de ces gestes, dans leur expression collective, témoigne d'une tendance au non-consentement, ou parfois même d'une volonté marquée de refus.
Tous ceux qui assistent partout aux enterrements des maquisards malgré les interdictions, ceux qui se taisent sur leurs lieux d’implantation, ceux qui dans l'Ouest fleurissent les tombes des aviateurs anglais malgré les marins morts à Mers-el-Kébir et malgré les bombardements effectués par ces mêmes Anglais sont, entre mille, des exemples de ces gestes anonymes et de ces évolutions souterraines

On peut avancer l’idée d’une culture du " penser double " chez les Français durant l’Occupation.
La revue Esprit reparaît sous Vichy, jusqu'en 1941. Les auteurs utilisent un langage codé, allusif, que les lecteurs savaient interpréter sur le moment, en situation. En 1944, les rédacteurs relisant les numéros des années précédentes avaient parfois oublié ce sens masqué : le contexte avait radicalement changé, et ne permettait plus de comprendre les allusions. La culture environnante est indissociable des façons de penser et de sentir. Si on en tient pas compte, on fait des anachronismes et des erreurs majeures. comme si les codes culturels d’auj devait s’imposer à la lecture du passé.
Pierre Laborie parle du danger d'anachronisme mental dans une place excessive donnée aux mémoires. Le danger, ce serait de croire que les codes culturels d'aujourd'hui valent pour toutes les périodes du passé, et qu'ils nous donneraient le droit de juger les acteurs de ce passé.


Il y a urgence de " reconceptualiser " l'enseignement de l'histoire :
La mémoire n’est pas la présence du passé, elle est usage du passé au présent et même souvent instrumentalisation de ce passé.

Il faut aussi faire attention aux mots.
Voir plus haut pour " l'épuration sauvage ", " le mythe résistancialiste ".
La « guerre civile » est un autre de ces excès de langage dénoncés par Pierre Laborie. Il y a bien eu des affrontements franco-français, en 1943-1944. Dans certaines régions on a pu se croire au bord de la guerre civile. Il faut mettre au crédit des responsables de la Résistance et du GPRF, pendant l’été 1944, d’avoir su justement éviter cette " guerre civile ".
Il faut aussi se méfier des fausses centralités :
Les persécutions antisémites de Vichy sont essentielles, mais laisser croire que tout le régime de Vichy s'organise autour d'elles, c'est une reconstruction de mémoire, a-historique

Il faut éviter la compétition dans la victimisation. Pourquoi vouloir comparer les déportés de Buchenwald et ceux d'Auschwitz ? Pour établir une hiérarchisation dans l’horreur et dans la souffrance ?

Cette vulgate mémorio-médiatique a conduit de grands historiens à minimiser considérablement le poids de l'Occupation. Dans l'édition de 2005 de La France de Vichy , page 12, Paxton écrit que jusqu'en 1943, il n'y a eu que 40 000 soldats allemands (des " vieux ") ; les forces nouvelles seraient arrivées plus tard, et elles auraient été placées sur les côtes.
Personne ne semble avoir lu le livre. Cette affirmation est une grossière erreur, gênante en raison du commentaire qui l’accompagne, et malheureusement répétée au cours des éditions, en dépit des démarches effectuées (au moins par PL, peut-être par d’autres) pour attirer l’attention de l’éditeur sur la bévue…
Les seules troupes de sécurité (maintien de l’ordre) représentaient 100.000 hommes fin 1941, 200.000 en 1943. A leurs côtés, les troupes d’opérations comptaient 400.000 hommes en 1942-43 et ces effectifs seront portés à environ 1,5 million d’hommes au début de 1944. On peut regretter que le respect légitime à l’égard du grand historien de Vichy conduise à rester silencieux devant un point contestable


Introduire la mémoire dans l’enseignement des classes terminales, c’est utile et intéressant, car l’objet est neuf et stimulant. Mais il serait indispensable que ce travail que vous entreprenez tous soit précédé par une réflexion théorique sur la nature et les fonctions de la mémoire, fondamentalement différentes de celles de l’histoire. On ne peut pas laisser croire que la mémoire a un statut identique à celui de l’enseignement classique de l'histoire. La mémoire, c'est du  « prêt à penser », et l’historien fait le contraire du « prêt à penser ». Il est indispensable de dire que la mémoire, quand on en parle, ne peut être dissociée d’une réflexion critique sur ses usages et ses fonctions : à quoi sert-elle ? Qui s'en sert ? Dans quel but ?
 

Pierre Laborie a publié notamment :
Résistants, Vichyssois et Autres, Paris, Ed. du CNRS, 1980
L'opinion française sous Vichy, Éditions du Seuil, Paris, 1990
Mémoire et histoire : la Résistance, avec Jean-Marie Guillon, Éditions Privat, Toulouse, 1995
Les Français des années troubles : de la guerre d'Espagne à la Libération, Édition du Seuil, Points-Histoire, Paris, 2001
L'opinion française sous Vichy : les Français et la crise d'identité nationale 1936-1944, Éditions du Seuil, Paris, Points Histoire, 2001
Penser la défaite, (en collaboration avec Patrick Cabanel), Éditions Privat, Toulouse 2002
Les Français sous Vichy et l'Occupation, Éditions Milan, Toulouse, 2003
Les mots de 39-45, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 2006
Ils ont su dire non : Paroles de résistants, avec François Icher, La Martinière, 2008
Le chagrin et le venin, Occupation, Résistance, Idées reçues, 2011 + 2014
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Laborie

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3
Clioweb, le blog
Publicité
Archives
Publicité