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Clioweb, le blog
6 juillet 2013

Pierre Goubert, un parcours d'historien

 

goubert-parcours


Dans la Fabrique du 05.07.2013 (10e minute), Daniel Roche rend hommage à Pierre Goubert,
dont la thèse vient d’être rééditée.
http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-histoireactualites-du-vendredi-050713-2013-07-05
http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/10076-05.07.2013-ITEMA_20498120-0.mp3

- L'historien, c’est celui qui se donne des questions et définit un problème historique
(comprendre les capacités de survie des sociétés anciennes, très fragiles)

- PG a exploité des « archives dormantes », celles qui permettent de faire l’histoire des petites gens (cf à Beauvais, paroisse Saint-Etienne, Jean Cocu, serger, sa femme et ses trois filles, toutes quatre fileuses. La famille est décimée lors de la crise de subsistances de 1693-1694).

Pierre Goubert, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730, Les Classiques de la Sorbonne, 2013
http://clioweb.canalblog.com/archives/2013/07/06/27581503.html


- L’occasion de lire ou de relire « Un parcours d’historien »,
l’ouvrage de souvenirs publié par Pierre Goubert en 1996 chez Fayard.

La première partie évoque une famille de gens modestes du Saumurois (cultivateurs et vignerons). « René-Pierre son grand-père a tiré en 1864 un mauvais numéro qui l'expédia pour 7 ans dans l'armée de Napoléon III. Il a neuf enfants, et passé la soixantaine, il tombe à la renverse d’une charrette de foin chargée avec son voisin, et ne se relève pas ».
cf la courbe de Saint Lambert-des-levées).
http://saumur-jadis.pagesperso-orange.fr/recit/ch18/r18d1agr.htm

Pour Pierre Goubert, l'école fonctionne comme ascenseur social, de la rue des Récollets (M. Noyer) à l'Ecole Normale d'Angers (1931) et à Saint Cloud (1935 - l’allocation mensuelle de 150 F est amputée par Laval).
A Saint-Cloud, il cite André Piganiol. « les cours de Marc Bloch ou les entretiens avec Raymond Aron n'incitaient pas les douze littéraires de 1935 à préparer l'inspection primaire et ses suites ». Pour son premier poste à l'EN de Périgueux, il entend une classe de dix normaliens lire Athalie avec l'accent local.

Mobilisé en 1939 comme instructeur météo, il échappe à la captivité. Il est nommé en lycée à Beauvais, loin de sa famille. « Je compris vite que ma destinée consisterait à enseigner pendant des décennies les campagnes de Napoléon, les révolutions de 1848, les unités italienne et allemande et la subtile diplomatie d'entre 1871 et 1914 ». Il réussit à l'agrégation en 1948.
Pour sa thèse, Augustin Renaudet l'incite à exploiter les archives de Beauvais. On lui répond que les archives municipales avaient brûlé en 1940, que les AD étaient inconsultables. Deux assertions fausses mais qui « confortaient la paresse administrative ». Il découvre « les remarquables archives, si bien classées » du Bureau des pauvres de Beauvais, un prédécesseur de l'Hôpital général de Paris.
« Je suis devenu démographe par hasard : les registres paroissiaux étaient les seuls documents reliés et abordables, vers 1946, aux archives de l’Oise. La recherche qui suivit visait à connaître et comprendre le mode de vie et l'activité des paysans, des ouvriers en laine, des artisans drapiers, des négociants, des chanoines, des officiers. J'y parvins grâce à l'extreaordinaire richesse des fonds d'archives écclésiastiques, si bien conservés par une Révolution qui sut (au moins ici) bien plus souvent préserver et classer que détruire ». (Chaunu prétendait le contraire).
La thèse terminée en 1957 est soutenue en 1958 et publiée en 1960.

En 1958, il refuse un poste auprès de Braudel, « pour des raisons familiales et financières », mais accepte de remplacer à Rennes Henri Fréville qui vient d'être élu député. Il y reste jusqu'en 1965, où il part à Nanterre. L'ancien élève des Récollets est élu à la Sorbonne en février 1969.

Dans la seconde partie, il évoque ses relations avec les grands de l'histoire moderne.
La trosième traite de son tour du monde académique (Clio dans le vaste monde).

Il aurait pu devenir géographe (il cite Roger Dion). Mais Cholley règnait en Sorbonne...
« Après M. Noyer, Marc Bloch fut le second maître à me marquer profondément, bien que trop brièvement ».
Il rend hommage à Ernest Labrousse, son patron de thèse et à Jean Meuvret.

Ses relations avec Braudel ont évolué : « dans le petit monde pas toujours exaltant des historiens français [ou des historiens parisiens ?], la puissance et le talent de Braudel suscitaient des réticences, probablement des jalousies, parfois des vilenies ». « La Sorbonne, donc Renouvin, lui avait fermé ses portes ». Goubert subit un reproche en séminaire : «  Pourquoi le Beauvaisis, un si petit pays ? Pourquoi le XVIIe et pas le grand XVIe ? ». « Désarçonné, humilié, me forçant à ne pas éclater, je ne répondis rien… je me mis en congé de thèse » (par la suite, il dira « je n’aime pas les surfaces liquides »).  Mais « Braudel fit l’essentiel, en 1955, pour que je puisse entrer à cette fameuse VIe section, juste au moment où le CNRS me lâchait. Il m’offrit aussi d’imprimer mes deux thèses : la petite, trop oubliée, la grande trop louée et en partie périmée ».

Victor-Lucien Tapié et moi, écrit Pierre Goubert « nous étions des hommes de l’Ouest, lui de l’Ouest blanc mais raisonnable, et moi de l’Ouest bleu, tolérant, je l’espère ».


« J’ai toujours pensé qu’enseigner l’histoire ne nécessitait pas de théorification, méthodologie ou dissertation pédagogiques préalables, même exprimées en langage clair… Mais il semble que je sois l’un des derniers à soutenir ce point de vue… Qui n’a pas sérieusement cherché et beaucoup lu ne devrait pas être digne d’enseigner dans le supérieur, ou alors autre chose que l’histoire ».

« Il existe bien des manières d’enseigner l’histoire. Elles dépendent d’abord du nombre d’auditeurs. A Rennes en 1959, ils étaient une quarantaine en licence, cent cinquante en propédeutique… A Nanterre, on dépassait les cinq cents en première année ; l’enseignement supérieur tenait à un micro… »

« La répétition finit par tuer l’enthousiasme »


quelques remarques :
- La démographie historique a connu son heure de gloire au temps de la mécanographie. L'ordinateur, qui aurait grandement accéléré le travail de ces historiens, n'est plus sollicité aujourd'hui : cette histoire est passée de mode.
- Beauvais (Goubert), Montpellier (Le Roy Ladurie), Oran (Ferro), Alger (Braudel). Que serait-il l’histoire sans le hasard des affectations administratives lors des débuts de carrière ?
- Ecrire en dehors de périodes de vacances universitaires
- Les ouvrages d’égohistoire illustrent l’école comme ascenseur social, en partant du point d’arrivée. Que donneraient les souvenirs de condisciples qui ont moins brillamment réussi ? Que donnerait le récit de la galère que traversent aujourd’hui les jeunes chercheurs, dont seuls quelques-uns accèderont à des postes stables et durables (à la reconnaissance de la profession, voire à la notoriété)  ?


rappel : Voir aussi sa nécrologie par Ph-J Catinchi, Le Monde 25/01/2012
http://clioweb.canalblog.com/archives/2012/01/24/23327447.html

L'article de Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Goubert

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