Dans les rencontres, colloques, journées d’étude, le regard sur la forme est souvent instructive. De nombreuses allusions sont faites par les intervenants aux contraintes (de temps notamment), au statut de ceux qui parlent (« moi qui parle en historien »)… D’où l’idée de ce billet, pour relativiser quelques jugements de valeur assénés ces derniers temps par ceux qui se complaisent dans une cascade du mépris.
Une parodie d’abord : si le temps et l’espace n’étaient pas comptés, il y aurait beaucoup à dire sur le choix des thèmes abordés, sur la fréquentation des colloques, sur le temps laissé aux questions et aux échanges, sur les prolongements prévus (publication des actes, mise en ligne d’enregistrements), sur l’importance... des pauses et des échanges informels.
Pour ce billet, l’accent sera mis sur les types d’interventions.
Le rapport à la technique est révélateur. A Blois, les présentations des Clionautes, les ateliers multimédia utilisent internet en temps réel. Ce mode de travail est cependant rare. Sans doute par prudence : la technique peut toujours faire défaut (effet démonstration) ; prévoir une roue de secours, c’est accroître fortement le travail préalable.
Les présentations en powerpoint se multiplient, sans dominer, dans trois versions : texte seul (plan de l’intervention ou citations), combinaison texte et images ou présentation limitée aux documents analysés et commentés.
Deux groupes y recourent plus facilement : les enseignants chercheurs étrangers, les chercheurs qui ont travaillé un temps dans le secondaire. Il est parfois plus rassurant « d’oublier sa clé usb » : pas de souci de portage d’un standard à un autre,
pas de gestion sportive du temps de parole…
Ces présentations posent parfois des problèmes au cameraman de l'UTLS : que filmer ? le conférencier ? ses diapos ? Les vidéos de Blois diffusées par Canal-C2 passent par un montage préalable.
L’équipement des lieux est déterminant : au Mémorial de Caen, il existe des cabines de projection avec des techniciens salariés et compétents (jadis, dans certaines universités, des appariteurs assuraient la projection des… diapos). Projeter un extrait de film ne pose donc presque pas de problème, même si lors de l’intervention de Sylvie Lindeperg sur Nuit et Brouillard, la cohabitation Mac-PC avait généré quelques soucis.
Mais j’ai souvent vu des organisateurs venir avec leur propre vidéoprojecteur, leur jeu de hauts parleurs, leurs rallonges voire leur écran. Cela peut éviter des surprises désagréables : salle contrôlée à distance, télécommandes perdues ou mises sous clé…
Très ( trop ?) souvent, c’est l’écrit qui impose ses règles : intervention intégralement rédigée, textes lus de façon plus ou moins monocorde, succession de monologues. Cela peut se comprendre chez des jeunes doctorants intimidés par l’exercice et par leur auditoire. Mais cela contredit tout ce qu’ils ont appris dans le secondaire : un exposé, ce n’est jamais infliger aux autres la lecture d’un texte, si bien lu et si bien rédigé soit-il. Avec 2 exceptions : un texte littéraire, un texte écrit par un absent. Cette solution a un avantage pour le technicien : il suffit de filmer en plan fixe, voire de se contenter d'un enregistrement audio.
Dans certains cas, l’exercice n’échappe pas à la caricature : une longue introduction, une première partie détaillée, et il ne reste plus que cinq minutes pour expédier l’essentiel, c’est à dire les deux tiers du propos. Difficulté de passer d'un cours de 2 heures devant plusieurs centaines d'étudiants à un propos ramassé en 20 minutes devant un auditoire restreint ?
A Blois, les tables rondes permettent d’échapper à ces dérives et de balayer successivement plusieurs aspects d’une même question. Elles débouchent souvent sur des échanges très intéressants.
Le CRID utilise souvent une solution qui peut être déroutante pour les intervenants : ils doivent livrer au préalable leur papier, un spécialiste en synthétise les apports et les présente à leur place.
En somme, dans beaucoup de ces rencontres, l’écrit oralisé domine très largement. Il est sans doute plus rassurant, et peut-être plus conforme aux attentes de ceux qui détiennent le pouvoir académique.
Un dernier mot pour rassurer les profs du secondaire : ceux qui ont réussi à équiper ou faire équiper leurs salles de cours ou de TD ne mesurent pas assez le confort dans lequel ils travaillent. Ils ne dépendent ni de la gestion aberrante d’un dispositif de sécurité ni des choix parfois discutables fait par des spécialistes de l’informatique. Ils peuvent alors se concentrer sur l’essentiel : Faire de l’histoire, Faire faire de l’histoire.