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Clioweb, le blog
31 janvier 2011

Enseigner les esclavages

Enseigner les traites, les esclavages, leurs abolitions et leurs héritages.
Questions sensibles, recherches actuelles
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Un colloque international aura lieu à Paris les 18,19, 20 mai 2011....
présentation et appel à contributions en 3 pages au format pdf :
http://clioweb.free.fr/colloques/traites-052011.pdf

Quelques questions extraites de cette présentation :

- Quels dispositifs d’apprentissage spécifiques ... mettre en place ?

- Qu'apportent l'ouverture de l'école (vers les musées, les archives...) et la collaboration interdisciplinaire ?

- L’articulation entre des questions socialement vives et des démarches ou pratiques scolaires, dont on postule qu’elles doivent être fondées scientifiquement, contribue-t-elle à en « apaiser » l’approche ?

- Quelles thématiques ou quels types de démarche restent des angles morts ?

- Dans quelle mesure ... les apprentissages scolaires ... peuvent-ils avoir un impact en retour sur l’environnement social et culturel des élèves ?

Si vous souhaitez intervenir, les propositions peuvent encore être expédiées très rapidement à EURESCL.enseignement@gmail.com

« Sur une page (2 500 à 3 000 signes), la proposition devra présenter le titre de la communication et un résumé de l’argumentation et des thèmes développés, ou de la pratique de classe analysée, ainsi qu’une présentation de l’auteur sur une demi-page. Les langues de communication seront le français, l’anglais et l’espagnol. Le comité scientifique indiquera les communications retenues au mois de février 2011 et communiquera le programme du colloque des 18, 19 et 20 mai 2011 »

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31 janvier 2011

La foire aux statistiques

- 35 heures : la foire aux statistiques - Libération, Desintox  26/01/2011 Luc Peillon, Cédric Mathiot
http://www.liberation.fr/economie/
Benoît Hamon, Laurence Parisot, François Chérèque ou Jean-François Copé : chacun assène son propre chiffre sur la durée du travail en France. Même  Yann Barthes, l'animateur de Canal Plus donne son avis.

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- Chômage et sous-emploi : quels sont les vrais chiffres ? - Claire Guélaud, Le Monde 27/01/2011
Qui sont les demandeurs d'emploi ?
Comment sont-ils indemnisés ?
Comment sont-ils radiés ?
Combien de chômeurs y a-t-il en France ?
Autour de 2,7 millions, comme l'assure le gouvernement ? Plus près de 4,2 millions, comme le disent d'autres chiffres de la Dares, le service statistique du ministère du travail ? Et combien de personnes sont victimes du sous-emploi ? 1,2 million, 1, 4 million ou plus ?
http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/01/26/
http://lewebpedagogique.com/pascalp/2011/01/28/

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- Philippe Bas nommé à la tête de l'ANSES
cet ex-ministre et ex-secrétaire général de l'Elysée sous Chirac a été nommé président du CA de l'ANSES (Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). Il laisse son poste à la tête de l'OFII (Office français de l'immigration et de l'intégration) à Dominique Paillé, ex-porte parole de l'UMP.
IPB avait tenté en vain de se parachuter député d'Avranches

31 janvier 2011

Interdits d’apprentissage ?

- Interdits d’apprentissage parce qu’ils sont étrangers ?
Communiqué de la LDH
http://www.ldh-france.org/Interdits-d-apprentissage-parce-qu
Un certain nombre de jeunes étrangers scolarisés en France viennent de découvrir que l’inscription en IUT, pour une formation en apprentissage, leur était interdite sous prétexte d’une réserve de cette formation aux élèves de nationalité française. Le ministère s'abrite derrière une supposée volonté de lutter contre le travail des sans-papiers.

- La « préférence nationale » appliquée à l'apprentissage, un article de Marie Barbier ( L'Humanité - 27/01/2011 )
http://www.laissezpasser.info/post/apprentissage

« Sous le logo de la République française, on vous demande de remplir votre identité, état civil et parcours scolaire. Enfin, les voeux. Après réflexion, ce sera un DUT informatique en apprentissage. Choix de la formation, détails, sélectionner. Écran blanc. Et un message : « Seuls les candidats de nationalité française peuvent s'inscrire dans une formation en apprentissage sur APB ». Car Camille Durand est de nationalité malienne. Mais Camille Durand peut devenir belge ou portugaise (magie de l'informatique), elle verra le même message apparaître ».

Le MEN n'a pas souhaité répondre à nos questions, précise Marie Barbier.

30 janvier 2011

Pierre Laborie et la vulgate

venin

Pierre Laborie poursuit son combat intellectuel contre ce qu'il désigne comme La doxa mémorio-médiatique. ( en résumé, de 1945 à 1970, Gaullistes et communistes auraient imposé l'image d'une France toute engagéé dans la Résistance ; après 1970, les Français auraient tous été lâches et collaborateurs de l'occupant ; après 1979, on se serait enfin soucié de la destruction des juifs d'Europe).

Selon lui, Le Chagrin et la Pitié, le film d’Ophuls et La France de Vichy, l’ouvrage de Paxton ont été instrumentalisés par certains historiens qui ont installé une vulgate acceptée sans distance par l’opinion. Cette bouillie, dont le vocabulaire ressemble beaucoup à celui des nostalgiques de Vichy (resistanTialiste ou resistanCialiste), a submergé les manuels de Terminale des séries ES et L.

Pierre Laborie considère que la grille et les concepts de l'histoire politique ne peuvent pas rendre compte de la complexité des comportements dans la 2 GM. Il lui préfère la lecture d'une histoire sociale et culturelle. Il met en avant le parler double et le vivre double.

Si vous n'avez pas encore eu entre les mains son ouvrage Le Chagrin et le venin (Bayard, 21 euros),

L'écouter en différé chez Emmanuel Laurentin (35 mn, de la 13e à 48e)
(il s'exprime avec beaucoup de prudence et de précaution)
La Fabrique du 28/01/2011 au format mp3 : http://media.radiofrance-podcast.net/

ou encore lire
"On se sert de la Résistance tout en la dénigrant", une double page dans Libération.
JP Vernant est cité comme helléniste, dommage qu'il ne le soit pas aussi comme résistant)
http://www.liberation.fr/societe/

En 2006, à l’INRP, il avait déjà alerté sur ces dérives de l’histoire scolaire
Archives de la liste H-Français, messages du 29/10/2006 et du 03/03/2007
http://h-net.msu.edu/cgi-bin/logbrowse.pl?trx=vx&list=h-francais

une transcription à lire dans cette page web :  http://clioweb.free.fr/enjeux/laborie.htm

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- [ Pauvres profs d'HG, coincés entre un marketing qui fait la chasse aux petites économies, les controverses de l'histoire scientifique, les contradictions et les cheminements parfois surprenants des directives officielles, la réalité de la classe avec des élèves à la motivation et aux niveaux très disparates.
Dernier épisode, à la suite de la suppression scandaleuse de l'HG obligatoire en Term S : les lycéens S passeront en fin de 1ere une épreuve anticipée ; le détail n'est épreuves n'a pas encore été publié au BO, alors que la formation à ces exercices scolaires aurait dû commencer dès la classe de seconde.
Quant aux prochains programmes de Term ES et L, ils font, comme les précédents, l'économie d'un bilan objectif et public du programme actuel et des épreuves de bac qui vont avec. Les cheminement erratique de l'épreuve sur dossier documentaire depuis 30 ans fournirait (ou a déjà fourni) une excellent support à une étude rigoureuse menée dans la durée en science de l'éducation ... ]

30 janvier 2011

Le wagon fantôme

- Le wagon fantôme de la ligne Cherbourg - Caen - Paris - Ouest-France - mardi 25 janvier 2011

« Nouvel exemple avec les vraies-fausses réservations du Paris - Cherbourg.
Sur ce sujet, les témoignages des voyageurs se multiplient. La mésaventure est toujours la même. Une réservation souvent en 1re dans un train du matin. Trois voitures sont prévues. Régulièrement, il n’y en a que deux. Résultat, la réservation est inutile. Le voyageur cherche sa voiture et sa place. Elles n’existent pas. Les agents de la SNCF connaissent le problème. Ils utilisent l’expression du « wagon fantôme ». La direction régionale de la SNCF reconnaît le problème et explique qu’elle travaille à sa résolution ».

Pas de TGV entre Paris et Caen, un trajet qui est souvent plus long que celui des années 1970. Par contre, un TGV électoral a été annoncé entre Neuilly-sur-Seine et la mairie du Havre.

La direction ne manque pas d'accuser les syndicats (Sud-Rail accusé à tort à Dijon, à la place de l'UNSA). La source des problèmes est connue : mode de gestion de l'entreprise, vieillissement du matériel ou mauvais choix techniques... Sans parler de la politique des tarifs tirés vers le haut. Les ultra-libéraux savent aussi préparer le terrain pour pouvoir un jour présenter la privatisation comme inévitable... malgré l'expérience récente des Britanniques...

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29 janvier 2011

Une République pour tous

Acteur de sa propre vie
Une République pour tous
Un Etat modeste… mais ambitieux
dans
Libération, Etats généraux du Renouveau - Grenoble 2011

http://www.liberation.fr/etats-generaux-du-renouveau-grenoble2011,99962
http://www.liberation.fr/contributions,100000

29 janvier 2011

Une marque de territoire ...

extrait de la dernière chronique d'Alain Rémond dans Marianne,  n° 718, 22/01/2011

« Je viens de recevoir un carton d’invitation (en tant que Breton, j’imagine), ainsi rédigé :

« Jean-Yves Le Drian, président du conseil régional de Bretagne, président de la Conférence des régions périphériques maritimes (CRPM), est heureux de vous convier le 9 février 2011 à 20 heures, pour vous présenter une démarche originale ».

Laquelle?
Celle-ci : « Avec la création d’une marque de territoire, qui sera lancée le 27 janvier, la Bretagne s’engage en ce début d’année 2011 dans une démarche d’attractivité ambitieuse pour enrichir, dynamiser et rajeunir son image. L’engagement, le sens du collectif, l’ouverture, l’imagination : ces valeurs sont le reflet de l’identité bretonne et le fondement de cette nouvelle marque. »
Une marque de territoire !
Un pince-fesse pour lancer une nouvelle marque !
La Bretagne, une marque !
Je m’étrangle, je défaille, je suffoque, je syncope.
On est envahis par les marques, colonisés par les marques, lobotomisés par les marques, et voilà qu’on va faire de la Bretagne une marque !
Pis une « marque de territoire ».
Pis une marque de l’identité bretonne.
La Bretagne lancée comme une marque de camembert.
Avec plein d’identité dedans.
On n’en peut plus, des marques.
La marque, c’est du marketing.
La marque, c'est du commerce pour un produit.
La marque, c’est du formatage.
Et la Bretagne se laisserait réduire à une marque, 100 % lait cru, moulé à la louche ?
Tous les Bretons se laisseraient coller une marque sur le front, signe de leur identité bretonne?
Des Bretons label rouge, certifiés bio, comme des poulets fermiers?
Tous enrôlés sous la « marque de territoire »

Alain Rémond, Faut voir, Marianne

28 janvier 2011

L’Ecole massacrée ?

L’Ecole fait la couverture du Point, après les francs-maçons (à la une du Nouvel Obs cette semaine), à propos du livre de Sophie Coignard, Le pacte immoral.

« Le ministre fait semblant de réformer. Les citoyens élèves font semblant d’apprendre. Et Bercy fait semblant de maîtriser la dépense publique ».

La journaliste-maison prend pour cible les ministres et leur « nomenklatura » ( Darcos et Ferry avant leur passage rue de Grenelle, Forrestier, Boissinot …). Pourquoi Darcos s’est-il attaqué au lycée plutôt qu’au collège ? selon la journaliste, c'est parce que c’était un gisement d’économies plus prometteur.
Fillon et Allègre semblent échapper à cette attaque en règle.

Le livre ? « une caricature truffée d’erreurs grossières », selon l’actuel ministre ; « un livre qui relève de la malhonnêteté et de l’ignorance crasse », selon Lang ; « un livre qui éloigne des vraies questions » dit Meirieu.

La solution pour l'Ecole, selon l’hebdo ? celle de Compagnon : donner plus d’autonomie à chaque collège ou lycée, faire du principal ou du proviseur un patron, en lui confiant le recrutement des profs (dont il faut changer le statut) et en lui donnant autorité sur tous les choix pédagogiques.

LP_ECOLE

28 janvier 2011

Tous filmés par la police ?

- Demain, tous filmés par la police ? Enquête Le Monde 28/01/2011
En 2012, objectif 60 000 caméras de vidéo-surveillance.
Au moins 17 M dépensés par l'Etat en 2009, 30 en 2010 (+ 17 M)

Les Britanniques en gendarmes virtuels - Le Monde 28/01/2011
Outre-Manche, depuis Blair, un Britannique est filmé en moyenne 300 fois par jour ; à Londres, les caméras privées auraient aidé à arrêter chaque mois 8 voleurs (sur 269).
Avec Internet Eyes, en payant 12,99 livres par an, chaque internaute britannique peut visionner les images, dénoncer les délinquants potentiels et toucher jusqu'à 1000 livres chaque mois !

La vidéo-surveillance, ce sont des enjeux majeurs du droit (libertés bafouées, atteintes à la vie privée). C'est aussi un lobby industriel puissant et un énorme jackpot ...

- Le Conseil supérieur de la Magistrature cherche un nouveau souffle (LM)
un des membres a été à la direction des ressources humaines
(chez Danone, pas chez L'Oréal  :-)

28 janvier 2011

P Laborie, INRP 2006

 

INRP - ESCHE-ECEHG - Mémoires, Histoire et Identités
Journées de formation INRP Lyon  25, 26 et 27 octobre 2006


Histoire et mémoires de Vichy et de la Résistance, Pierre Laborie, EHESS
copyright Pierre Laborie & INRP

http://web.archive.org/web/20080908105424/http://ecehg.inrp.fr:80/ECEHG/former/memoires-histoire-identites/les-conferences-debats-des-journees-memoires-histoire-identites/journee-du-27-octobre-guerres-shoah-et-resistance


L’historien, spécialiste de L’opinion publique sous Vichy, fait de nombreux parallèles avec le propos de Nicolas Offenstadt : il y a selon lui une vision dominante de l’histoire de la période, sans débat ouvert et public, comme c’est le cas avec 1914-1918 autour de l’Historial de Péronne.

notes personnelles à partir du fichier audio en mp3
http://dl.free.fr/prJ1VDzcB
version pdf :
http://clioweb.free.fr/dossiers/39-45/laborie-inrp-2006.pdf


3 thèmes abordés :
- La question des comportements collectifs des Français durant la 2 GM
Quelles ont été les attitudes des Français face à Vichy et l'Occupation ?
- La mémoire de la Résistance, un enjeu d’affrontements
pas d'école de Péronne, mai débat étouffé, masqué
- Poser des thèmes de réflexion sur les enjeux de mémoire


1 - La question des comportements collectifs des Français durant la 2 GM

L’historien constate le décalage formidable entre l’étude du régime de Vichy et de son fonctionnement et le vide sur ce que ce que les Français ont pu penser et vivre. Ceux qui ont étudié cette période savent d’expérience que l’on ne peut aboutir à des avis tranchés. Pourtant, les médias attendent des réponses toutes faites. Les journalistes adorent la mémoire : elle leur fournit des jugements catégoriques et définitifs sur de mauvaises questions (Tous résistants ? tous collaborateurs ?). Sur un sujet trop complexe pour être traité en noir et blanc, ils en oublient le poids des représentations et des constructions. Ils diffusent ces jugements comme des « vérités », sans lecture critique et sans prise en compte de la chronologie.

La vision de la période 1940-1945 a beaucoup évolué.
Dans un premier temps, c’est la vision d’une France héroïque qui l’a emporté : les Français auraient été en grande majorité dressés contre l’occupant, la France aurait été « résistante »

Après 1971-73 (Le Chagrin et la Pitié, Robert Paxton), le balancier est allé dans l'autre sens : le peuple français aurait été veule, lâche, il aurait eu le ventre à la place du cerveau et du cœur. J’exagère à peine, quand on relit ce qui a été écrit sur la prétendue société française sous Vichy dans les années 70-80. On est effaré.

Depuis, le balancier s’est remis très légèrement non pas vers le milieu, mais quelque chose qui s’en rapproche, avec néanmoins énormément de problèmes.

Un exemple. « Ete 44 », le documentaire de Patrick Rotman a beaucoup de succès et passe en boucle à la TV. Il est parfois présenté comme une réflexion aboutie sur ce qu’a été la société française pendant cette période. Beaucoup d’historiens prestigieux, de cette école qui n’existe pas mais qui est un lien de pouvoir très important (Sciences-po, le magazine L’Histoire, la revue Vingtième siècle) placent comme une évidence une certaine idée des choses.  Dans ce contexte, P. Rotman pose comme évidence et répète une affirmation : la France de l'Occupation, c'est 100 000 collaborateurs face à 100 000 résistants, avec entre les deux, une masse résignée, inerte, amorphe, inerte.

Cette vulgate mémorio-médiatique entretient beaucoup de confusion.
Entre autres défauts, PL relève l’écrasement de la chronologie, la non prise en compte de la diversité des situations dans le temps et l’espace, des variables culturelles et régionales, des mutations dans les sensibilités, la pratique de l’anachronisme mental, la négation de la dimension sociale des phénomènes étudiés.

Ainsi, en admettant même que l’importance numérique des deux minorités engagées et opposées soit du même ordre - ce qui reste d’ailleurs à prouver - leur place et leur statut dans le tissu social n’est pas comparable. À l’exception des militants des partis collaborationnistes (phénomène minoritaire et essentiellement limité aux grands centres urbains) les collaborateurs n’ont pas bénéficié de véritable soutien dans l’ensemble du corps social. Pour sa part, la Milice a été très vite rejetée et le plus souvent haïe).
A l’opposé, la Résistance prend appui sur des millions de gestes anonymes ; il n’y a pas marginalité, la Résistance n’est pas isolée du reste de la nation, une population nombreuse participe à un processus de refus qui s’exprime sous des formes multiples en dehors de la lutte armée
Il ne suffit donc pas de comparer des chiffres et des pourcentages et en tirer des conclusions non fondées.
PL est scandalisé par le discours médiatique dominant, et par l’absence de contradictions chez les historiens.

La réussite de cette vulgate tient à de très nombreux facteurs :
il n’y a pas quelqu’un qui tient les ficelles, mais la situation ressemble au refus du débat sur 14-18

Le succès du film Le Chagrin et la Pitié tient au contexte, après 1968, et à une génération qui avait besoin d'une vision iconoclaste pour fonder son identité. On en avait assez d’entendre des balivernes. Or le propos du film est parfois à la limite de l'imposture. Un seul exemple, la vision oublieuse et réductrice de la Résistance dans une ville qui a contribué à son histoire (Jean Cavaillès, le mouvement Libération, l’université de Strasbourg réfugiée, etc)

Robert Paxton a dit des choses fondamentales.. Il est instrumentalisé quand on lui fait dire que les Français ont été tous des collaborateurs fonctionnels. Mais son sujet, c'est le fonctionnement de l'Etat et le choix idéologico-politique de la collaboration d’Etat. Pas le comportement des Français face à l’Occupation.

La redécouverte du témoignage a joué un rôle important. Après 1968, la fascination est réelle devant ceux qui parlent, devant les silencieux et les oubliés de l’histoire qui ont enfin la parole, qui sont écoutés, et qui ne peuvent dire que la vérité. Le manque d'esprit critique (des historiens qui les écoutaient) a été parfois effarant.
 
Par la suite, la place de la mémoire a exercé une autre fascination. L'apport des représentations est énorme, celles-ci permettent d’analyser autrement les processus historiques. Là encore les excès ont vite guetté : les journalistes ont été séduits, car le fonctionnement du discours mémoriel est très proche des mécanismes du langage médiatique (on juge, on tranche, on coupe...). Quand la question habituelle des médias, c’est : tous résistants ? tous collaborateurs, cela commence mal. De plus, l’engouement en faveur des représentations a renouvelé l’écriture de l’histoire, mais fait oublier des éléments importants étudiés par la génération précédente.

L’idée que l’on se fait de ce que fut la France pendant la 2°GM est devenue un élément de l'identité française contemporaine. Dans l’opinion commune, en France et à l’étranger, en Israël mais pas seulement, cette représentation se nourrit souvent des poncifs et des stéréotypes véhiculés par la vulgate, en accentuant ses aspects les plus gris.

Ceci explique le succès et l’audience d’un ouvrage comme celui de Philippe Burrin sur La France à l’heure allemande (1995). L'auteur y décrit « l'accommodation » de l'ensemble des Français devant l’occupation nazie. C'est aller vite en besogne dans une histoire beaucoup plus compliquée. C’est aussi faire de la collaboration la référence déterminante des comportements, ce qui peut être discuté dans un pays où la collaboration a été majoritairement rejetée, dès Montoire et l’automne 1940.



2 - Les enjeux de la mémoire de la Résistance :

dans la vulgate, la Résistance a été soumise à un traitement de recyclage multiple :
    - Elle a été réduite de plus en plus à l’importance de ses seuls effectifs, généralement moins de 1 % de l’ensemble de la population… un critère qui mérite discussion
    - On a ensuite questionné son rôle militaire (généralement pour conclure à son inefficacité, par exemple lors de la Libération) .
    -  L ‘histoire de la Résistance a souvent été réduite à un théâtre d’affrontements politiques et à une guerre des chefs (cf les polémiques autour de Jean Moulin). L’assise sociale est trop souvent négligée.
    - Elle a été identifiée aux tentatives d'instrumentalisation politique : celle du PCF et de ses  « 75 000 fusillés » celle du gaullisme, deux courants qui ont cherché à fonder sur elle leur légitimité historique.

    On lui a imputé les bavures : les manuels évoquent l’épuration « sauvage ». Ce terme vient de l’extrême droite et des nostalgiques de Vichy. Les auteurs de manuels le reprennent trop souvent comme " allant de soi ", sans faire attention à sa charge politique et idéologique, alors qu’existent les notions d’épuration « extra-judiciaire » ou d’ »exécutions sommaires », moins connotées.
    Des auteurs de manuels font aussi référence au " mythe résistancialiste ", achevant un glissement sémantique continu («  Résistance » puis « résistancialisme », puis « mythe résistancialiste », avec un risque évident de confusion et de fausses équivalences. Or le terme vient aussi des mêmes milieux nostalgiques avec l’objectif de dénigrer l’action des résistants et le rôle de la Résistance : l'abbé Desgranges a écrit en 1946 " Les crimes masqués du résistantialisme " (écrit avec un " t ")


« Le dictionnaire historique de la Résistance » représente plusieurs années de travail sérieux par une grand nombre d'historiens. Il n’est sans doute pas irréprochable, mais il comble un vide considérable. Or la sortie du dictionnaire a été accompagnée d'un silence quasi total dans la presse nationale, Le Monde ou Libération faisant juste le service minimum. Seule la presse régionale en a rendu compte convenablement, ce qui ne tient peut-être pas au seul hasard.

Au total, la vulgate mémorio-médiatique dénature le rôle et les valeurs de la Résistance. Elle en conteste la dimension, l’importance historique, la singularité et l’identifie à un « mythe », entendu au sens de la fable, voire de l’invention. On cherche à nier la singularité de la Résistance par tous les moyens.

 
3eme partie -  Quelques thèmes de réflexion sur les enjeux mémoriels :

La vulgate mémorielle enferme l’histoire de la France de la 2GM dans des cadres simplistes qui nourrissent la confusion
Or il est nécessaire de ne pas en rester au noir et blanc, d’entrer dans la complexité des situations :
« Tout ce qui n'est pas action contre l'occupant n'est pas passivité et complicité avec lui ».
« Tout ce qui est refus de la soumission n'est pas acte de résistance ».
Un réfractaire au STO n'est pas un résistant s’il cherche seulement à se cacher pour échapper à la loi, même s’il est dans une attitude d’insoumission.
Le cardinal Saliège (en fait l’archevêque)  n’est pas un résistant.

Il faut sortir du simplisme, et enseigner en utilisant d'autres concepts, comme les stratégies de contournement (cf les stratégies d'esquive des soldats de 14-18), mettre l’accent sur les pratiques sociales du quotidien, de préférence aux idées générales et aux " modèles " d’analyse globale.

Il faut éviter de juger en bloc. Il faut essayer de montrer les articulations de sens entre le singulier et le collectif. Des millions de gestes anonymes ne font pas de chacun de leurs auteurs des résistants. Mais l'ensemble de ces gestes, dans leur expression collective, témoigne d'une tendance au non-consentement, ou parfois même d'une volonté marquée de refus.
Tous ceux qui assistent partout aux enterrements des maquisards malgré les interdictions, ceux qui se taisent sur leurs lieux d’implantation, ceux qui dans l'Ouest fleurissent les tombes des aviateurs anglais malgré les marins morts à Mers-el-Kébir et malgré les bombardements effectués par ces mêmes Anglais sont, entre mille, des exemples de ces gestes anonymes et de ces évolutions souterraines

On peut avancer l’idée d’une culture du " penser double " chez les Français durant l’Occupation.
La revue Esprit reparaît sous Vichy, jusqu'en 1941. Les auteurs utilisent un langage codé, allusif, que les lecteurs savaient interpréter sur le moment, en situation. En 1944, les rédacteurs relisant les numéros des années précédentes avaient parfois oublié ce sens masqué : le contexte avait radicalement changé, et ne permettait plus de comprendre les allusions. La culture environnante est indissociable des façons de penser et de sentir. Si on en tient pas compte, on fait des anachronismes et des erreurs majeures. comme si les codes culturels d’auj devait s’imposer à la lecture du passé.
Pierre Laborie parle du danger d'anachronisme mental dans une place excessive donnée aux mémoires. Le danger, ce serait de croire que les codes culturels d'aujourd'hui valent pour toutes les périodes du passé, et qu'ils nous donneraient le droit de juger les acteurs de ce passé.


Il y a urgence de " reconceptualiser " l'enseignement de l'histoire :
La mémoire n’est pas la présence du passé, elle est usage du passé au présent et même souvent instrumentalisation de ce passé.

Il faut aussi faire attention aux mots.
Voir plus haut pour " l'épuration sauvage ", " le mythe résistancialiste ".
La « guerre civile » est un autre de ces excès de langage dénoncés par Pierre Laborie. Il y a bien eu des affrontements franco-français, en 1943-1944. Dans certaines régions on a pu se croire au bord de la guerre civile. Il faut mettre au crédit des responsables de la Résistance et du GPRF, pendant l’été 1944, d’avoir su justement éviter cette " guerre civile ".
Il faut aussi se méfier des fausses centralités :
Les persécutions antisémites de Vichy sont essentielles, mais laisser croire que tout le régime de Vichy s'organise autour d'elles, c'est une reconstruction de mémoire, a-historique

Il faut éviter la compétition dans la victimisation. Pourquoi vouloir comparer les déportés de Buchenwald et ceux d'Auschwitz ? Pour établir une hiérarchisation dans l’horreur et dans la souffrance ?

Cette vulgate mémorio-médiatique a conduit de grands historiens à minimiser considérablement le poids de l'Occupation. Dans l'édition de 2005 de La France de Vichy , page 12, Paxton écrit que jusqu'en 1943, il n'y a eu que 40 000 soldats allemands (des " vieux ") ; les forces nouvelles seraient arrivées plus tard, et elles auraient été placées sur les côtes.
Personne ne semble avoir lu le livre. Cette affirmation est une grossière erreur, gênante en raison du commentaire qui l’accompagne, et malheureusement répétée au cours des éditions, en dépit des démarches effectuées (au moins par PL, peut-être par d’autres) pour attirer l’attention de l’éditeur sur la bévue…
Les seules troupes de sécurité (maintien de l’ordre) représentaient 100.000 hommes fin 1941, 200.000 en 1943. A leurs côtés, les troupes d’opérations comptaient 400.000 hommes en 1942-43 et ces effectifs seront portés à environ 1,5 million d’hommes au début de 1944. On peut regretter que le respect légitime à l’égard du grand historien de Vichy conduise à rester silencieux devant un point contestable


Introduire la mémoire dans l’enseignement des classes terminales, c’est utile et intéressant, car l’objet est neuf et stimulant. Mais il serait indispensable que ce travail que vous entreprenez tous soit précédé par une réflexion théorique sur la nature et les fonctions de la mémoire, fondamentalement différentes de celles de l’histoire. On ne peut pas laisser croire que la mémoire a un statut identique à celui de l’enseignement classique de l'histoire. La mémoire, c'est du  « prêt à penser », et l’historien fait le contraire du « prêt à penser ». Il est indispensable de dire que la mémoire, quand on en parle, ne peut être dissociée d’une réflexion critique sur ses usages et ses fonctions : à quoi sert-elle ? Qui s'en sert ? Dans quel but ?
 

Pierre Laborie a publié notamment :
Résistants, Vichyssois et Autres, Paris, Ed. du CNRS, 1980
L'opinion française sous Vichy, Éditions du Seuil, Paris, 1990
Mémoire et histoire : la Résistance, avec Jean-Marie Guillon, Éditions Privat, Toulouse, 1995
Les Français des années troubles : de la guerre d'Espagne à la Libération, Édition du Seuil, Points-Histoire, Paris, 2001
L'opinion française sous Vichy : les Français et la crise d'identité nationale 1936-1944, Éditions du Seuil, Paris, Points Histoire, 2001
Penser la défaite, (en collaboration avec Patrick Cabanel), Éditions Privat, Toulouse 2002
Les Français sous Vichy et l'Occupation, Éditions Milan, Toulouse, 2003
Les mots de 39-45, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 2006
Ils ont su dire non : Paroles de résistants, avec François Icher, La Martinière, 2008
Le chagrin et le venin, Occupation, Résistance, Idées reçues, 2011 + 2014
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Laborie

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