Yves Modéran (1955-2010)
Yves Modéran a disparu brutalement en juillet 2010 à Paris. Professeur d’histoire romaine à l’université de Caen, il était vice-président du jury d’Agrégation. Il achevait une synthèse sur le peuple des Vandales (paru en septembre chez Errance) et projetait la réalisation d’un atlas de l’Afrique ancienne. La liste de ses publications est en ligne sur le site du CRAHAM. Pendant douze ans, il a présidé la Régionale de Basse-Normandie, lui apportant son engagement et son dynamisme. En juin 2001, il avait fait une très intéressante conférence sur la christianisation de l’Empire romain et de la conversion de Constantin. Le texte qu’il avait rédigé à cette occasion a été aussitôt mis en ligne. A notre demande, la rédaction d’Historiens & Géographes a accepté de le publier et de lui donner la visibilité méritée.
http://aphgcaen.free.fr/regionale/yvesmoderan.htm
Claude Briand-Ponsart (Université de Caen - SEMPAM), sa collègue et amie, lui rend hommage :
« Un grand savant, un éminent pédagogue, un homme de coeur, tel fut Yves Modéran. Dès la fin des années 1980, la publication d’une série d’articles traitant des révoltes contre Rome dans l’Antiquité Tardive en Afrique du Nord le rangea immédiatement parmi les spécialistes de l’histoire de cette région. En 2003, parut ce qui restera son ouvrage majeur, Les Maures et l’Afrique romaine (IVe–VIIe siècles), renouvelant entièrement les perspectives sur les relations entre Rome et les tribus africaines. Plaçant celles-ci au centre de l’étude, grâce à une méthode sûre fondée sur un examen minutieux des sources littéraires, épigraphiques et archéologiques, il remettait en question des conclusions considérées comme définitives. Il concluait à l’absence d’une migration de Néo-Berbères et identifiait deux groupes de Maures, dont la distinction était fondée sur le double critère de leur attachement à Rome et de leur adhésion au christianisme. Au sein d’une réflexion engagée par l’historiographie internationale sur l’ethnogenèse, ce livre devint l’ouvrage de référence, une source inépuisable pour qui s’intéresse aux rapports entre les Romains et les tribus ».
« L’Afrique ayant été un des grands foyers d’expansion du christianisme, c’est tout naturellement qu’il se dirigea vers l’étude de cette nouvelle religion, dont il devint un spécialiste reconnu internationalement. Ses brillantes analyses lui valurent, d’ailleurs, en 2008, de collaborer à la série documentaire L’Apocalypse (G. Mordillat, J. Prieur) et d’intervenir dans Timgad et l’Empire romain (S. Tignières). Ses recherches s’orientèrent ensuite vers le royaume vandale selon trois axes principaux : l’affrontement entre ariens et catholiques, la répartition des terres après la conquête et les limites du pouvoir. Dans ce domaine aussi, ses vues novatrices furent reconnues et acceptées par la communauté scientifique. Parmi ses derniers articles, se distinguent ses analyses sur la querelle des Trois-Chapitres, dont l’écho retentit en Afrique durant la période byzantine ».
« Après un début de carrière dans l’enseignement secondaire, un séjour à l’Ecole Française de Rome lui ouvrit les portes de l’université, et il fut élu professeur à Caen en 1998. Eminent pédagogue, il captivait son auditoire par ses démonstrations lumineuses ponctuées d’un enthousiasme toujours renouvelé. Attentif à ses étudiants, il les initiait à l’histoire ancienne, leur prodiguant conseils et encouragements sur cette voie difficile. Homme de coeur et de convictions, convaincu que le lien entre recherche et enseignement devait être maintenu, doté d’une haute conscience du métier d’enseignant, il accepta la lourde tâche d’entrer au jury de l’agrégation, remettant à l’honneur l’histoire de l’Afrique du Nord, jadis un des fleurons de la recherche historique. Défenseur acharné de la survie des études sur cette région, il engagea une coopération fructueuse, fondée sur un respect mutuel et une confiance totale, avec nos collègues maghrébins. Généreux, il ne négligeait aucune occasion de dispenser ses connaissances, de faire état de ses réflexions. Homme de dialogue, il savait écouter sans a priori, avec un sens inné de la conciliation, mais il savait aussi s’indigner et mettre en conformité ses paroles et ses actes. La tristesse dans laquelle sa disparition a plongé tous ceux qui le connaissaient prouve le vide immense qu’il a laissé derrière lui ».
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