Appel de 440 historiennes
Mettons fin à la domination masculine en histoire
Appel des 440 historiennes françaises – Le Monde 03.10.2018
http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/03/l-appel-de-440-historiennes-francaises-mettons-fin-a-la-domination-masculine-en-histoire_5364200_3232.html
La liste des signataires
http://fr.scribd.com/document/390033016/Liste-Des-Historiennes-Signataires#from_embed
une supplique aux patrons de presse :
une tribune ne pourrait-elle pas paraître en même temps
dans un quotidien comme Le Monde et sur le site militant auteur du texte ?
Ainsi, Olivier Erzscheid archive sur le site Affordance une copie de ses tribunes publiées par Libération
Mnémosyne a mis en ligne en extrait le premier paragraphe
http://bit.ly/2E3iDR7
« La visibilité du livre d’histoire n’est que marginalement celle des historiennes, à l’image du visage flouté de Mona Lisa sur l’affiche 2018 des rendez-vous de l’histoire de Blois.
Tribune. Comme chaque année, la communauté historienne inaugure son salon du livre. Les Rendez-vous de l’histoire de Blois sont d’abord, comme le dit le dépliant, une « gigantesque librairie » d’histoire où se pressent des centaines d’éditeurs et d’auteurs venus rencontrer leurs lecteurs. D’année en année, cette manifestation s’est imposée comme le moment de visibilité unique donné à la production et à la recherche historiques, avec ses stars, ses invités, ses évités, ses dîners, ses conférences à guichets fermés.
Autant le dire d’emblée : si nous n’employons pas l’écriture inclusive, c’est qu’au fond elle est peu nécessaire ici. La visibilité du livre d’histoire n’est que marginalement celle des historiennes, à l’image du visage flouté de Mona Lisa sur l’affiche du festival. Alors c’est vrai, beaucoup de chemin a été parcouru, grâce aux collègues qui nous ont précédées : la parité progresse au sein des manifestations, des commissions préparatoires et des jurys.
L’association Mnémosyne, qui milite pour l’histoire des femmes et du genre, a obtenu pour la première fois en 2010 de pouvoir organiser une table ronde. Mais la grandeur symbolique, elle, ne se partage pas au salon et elle est indubitablement masculine, comme l’est emblématiquement et quasi systématiquement le « Grand prix des Rendez-vous de l’histoire de Blois » (dix-huit hommes primés pour trois femmes, proportions comparables à celle du prix du livre d’histoire du Sénat, quatorze hommes primés pour deux femmes)
Médiapart publie de plus longs extraits, mais oublie l'essentiel, les propositions avancées
http://bit.ly/2BZbRsU
Un symptôme […]
« Dans les sciences humaines, les femmes représentent près de la moitié du corps des maîtres de conférences mais ne sont plus que 29 % dans le rang professoral et 25,5 % au sein des directions de recherche au CNRS. En outre, les femmes deviennent professeures à un âge plus avancé, avec une différence de salaire constatée de près de 1 000 euros en fin de carrière. Surtout, la domination masculine dans le champ historique est palpable dans les espaces de visibilité et de pouvoir académique : les directions de publication, de revues, de collections, les lieux de prestige (au Collège de France, 3 historiennes pour 12 historiens, seulement un tiers de directrices dans les établissements de recherche français à l’étranger, etc.). Enfin la prédominance des hommes est écrasante dans les grandes collections d’histoire qui offrent de la visibilité aux travaux de recherche : exemples parmi tant d’autres, sur les 219 livres publiés dans la collection la « Bibliothèque des histoires » de Gallimard, 16 sont signés par des femmes ; dans « L’univers historique » du Seuil, 28 livres publiés par des femmes pour 199 signés par des hommes.
Discriminations « indirectes »
Certes, la position subalterne des historiennes est partiellement le fruit de discriminations “indirectes”. Elles répondent moins souvent que les hommes aux sollicitations des institutions, se présentent moins nombreuses à l’agrégation ou à l’habilitation à diriger des recherches (HDR), candidatent moins aisément aux appels à communiquer et à publier. Elles sont souvent réservées à l’idée de prendre la parole dans les médias.
Alors quoi ? Les femmes seraient donc les premières responsables de leur marginalisation académique ? Un tel raisonnement se heurte à une réalité incontestable : si les femmes publient moins, c’est d’abord parce que leur temps n’est pas celui des hommes. Même si nous connaissons des collègues masculins à la pointe de la parité domestique, notre société fait encore largement porter la responsabilité du soin de la cellule familiale – des enfants, mais aussi des parents âgés – aux femmes.
Dans l’université, cela se traduit aussi souvent par un engagement intense auprès des étudiants et des étudiantes dont chacun sait qu’il est chronophage. À bien des égards, le temps des femmes est compté. Leurs dossiers comportent statistiquement moins de publications à âge égal que ceux des hommes, moins de participations à des colloques supposant des déplacements, et en amont, moins de missions prolongées en archives ou sur le terrain. »
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[ Comment réagir ? (titres)
- Défendre la représentation égalitaire des femmes dans les comités de recrutement et jurys de concours
- Modifier les critères d’évaluation (qualité et originalité)
- Prendre en compte les contraintes spécifiques des carrières féminines
- Lutter contre l’invisibilité à toutes les échelles : dans nos enseignements, dans les instances académiques, dans les concours
- Encourager les jeunes femmes qui entrent dans la carrière
- Enfin nous appelons tous nos collègues à la solidarité ]
[...]
Conclusion
« Notre tribune n’est pas une complainte, elle est tournée vers l’avenir. Beaucoup d’entre nous font de belles carrières. Au prix de luttes tenaces. Nous voulons que l’histoire devienne davantage l’affaire de toutes et de tous, et que les nouvelles générations puissent partager et échanger, produire collectivement et collégialement et, au-delà de la différence des sexes, un récit du passé plus dense car nourri d’expériences plus riches. »
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