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21 novembre 2011

Le musée selon Borja-Villel

 

sofia-guernica

source : http://www.madridemotion.com/es/disfrutar-del-mejor-arte-en-el-museo-reina-sofia/


L'Espagnol qui bouscule les musées
Manuel Borja-Villel, directeur du Reina Sofia de Madrid, dénonce ces établissements gérés comme des entreprises. Il a inventé, pour sa collection permanente, une présentation novatrice et iconoclaste
Le Monde - Culture et idées, 19/11/2011

Extraits :

En quoi cette impasse des musées est-elle liée à la crise ?
« La collection est au cœur des musées. Depuis des décennies, ils se battent pour obtenir les meilleures œuvres. Ils sont jugés, classés à l'aune de la rareté. Le problème, c'est que ce sont les collectionneurs privés qui possèdent l'argent et les œuvres. Si un musée veut un Warhol ou un Giacometti, il lui faut des dizaines de millions d'euros, qu'il n'a pas. S'il reste fondé sur la rareté et sur la propriété, le monde des musées va être pris dans une économie de l'excès ».

« Depuis la fin des années 1970, on a vu l'essor d'un modèle qui me semble dépassé : créer un bâtiment qui est une oeuvre en soi, en faire un lieu de spectacles au service du tourisme. Le musée est devenu un centre commercial, dans lequel les visiteurs-consommateurs ne viennent pas apprendre, mais reconnaître des noms. On voit ce que ce modèle a fait naître : un art contemporain lié à l'économie et à la finance. Les artistes plébiscités par ce système, Damien Hirst ou Jeff Koons, sont des animateurs de spectacles. On n'est pas loin de l'impasse économique actuelle qui révèle en fait une crise de la démocratie ».


Pour répondre à la crise, les musées font appel au mécénat, augmentent le prix d'entrée... Ce sont les solutions ?

« Ils ouvrent aussi des filiales à l'étranger, louent des oeuvres à des musées riches aux Etats-Unis ou au Japon, vendent des expositions clés en main, voire leur marque, louent des espaces à des entreprises, veulent un bâtiment toujours plus grand pour accueillir toujours plus de visiteurs. Ce modèle fondé sur l'expansion est dangereux. Il vise à ce que les établissements se cannibalisent entre eux. Il est anti-écologique. Il finit par considérer (?). C'est déjà le cas quand on lui demande de faire des entrées sans chercher à savoir ce que nos enfants ont appris à la sortie. Ou quand il est contraint de monter des expositions paresseuses et spectaculaires. Le musée finit par oublier sa mission première qui vient du modèle révolutionnaire français : être le lieu de la démocratie et de l'éducation. Je crois que ce modèle ancien est condamné à la défaite, car le musée, à l'avenir, sera plus pauvre dans un monde plus grand ».

Placer des gestionnaires à la tête des musées, est-ce la même logique ?
« Bien sûr. L'historien d'art est menacé en Espagne comme ailleurs. C'est un gros problème, qui dépasse le cadre du musée : des hôpitaux, par exemple, sont de moins en moins dirigés par des médecins. Comme si le savoir et les idées gênaient, pouvaient faire surgir des changements qui font peur. Il faut des historiens d'art à la tête des musées, des intellectuels ouverts à toutes les disciplines de l'esprit. Le responsable d'un musée doit rechercher de nouveaux dispositifs d'exposition, et non pas être écrasé par la gestion. Nous avons de plus en plus besoin d'une vision esthétique marquée avec une dimension éthique. Ces qualités sont rarement celles du gestionnaire ou de l'homme d'affaires ».

Comment en sortir ?
« Un musée, d'abord, ne doit plus se comporter en propriétaire d'oeuvres qu'il garde ou loue, mais au contraire favoriser les échanges, partager. Et puis sa politique ne peut plus être centrée sur des trésors, chercher l'oeuvre rare de plus. Enfin, pour moi, ce qui compte, c'est inventer à partir de la collection des narrations et des lectures qui vont stimuler le public. Inventer des récits partagés. Raconter plusieurs histoires de l'art et non l'histoire de l'art. Faire comprendre que cette histoire n'est pas figée et unique, mais chorale.

[…] Pour raconter des histoires de l'art, la photographie, le cinéma, la danse sont aussi importants que la peinture ou la sculpture. Il n'y a pas d'art majeur ou mineur. Il y a Picasso, Dali, Miro, mais aussi des photos anonymes... Le public ne veut plus seulement consommer mais agir. Chacun peut créer ses propres récits avec Internet. C'est la même chose pour notre accrochage, très fragmenté, rythmé, avec toutes sortes de supports ».


Autres extraits de cet article :
http://museesansmusee.wordpress.com/2011/11/20/un-modele-depasse/

Manuel Borja-Villel, directeur du Reina-Sofía, à Madrid, est en quête d’un nouveau modèle muséal.
Le Journal des Arts - n° 324 - 30 avril 2010
http://www.artclair.com/jda/archives/docs_article/75283/manuel-borja-villel-directeur-du-reina-sofia.php

 

reina-sofia

source : Musee nacional - Reina-Sofia - Madrid

 

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