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Clioweb, le blog
17 mars 2011

Japon : Le regard des géographes - 6

- 17/03 : Japon : face à la catastrophe, le recours aux échelles géographiques, Sylvain Kahn, blog Globe


- Le site web du japonisant Rémi Scoccimarro (Toulouse 2), l'auteur de la Doc photo 8076 sur le Japon (jt-août 2010) comporte deux textes :
Philippe Pelletier Le centre a tremblé, la province a subi
Rémi Scoccimarro, Premiers éléments d’analyse et de compréhension
http://japgeo.free.fr/  (source François Arnal)


- L’actualité japonaise est révélatrice du fonctionnement des médias.
F-Culture a intitulé son dossier « Apocalypse au Japon ». Par anticipation ? Sous l’influence de France 2 ? Pour imiter le commissaire Günther Oettingrer ? Sur le conseil d’une astrologue (tarot-numerologie, last-days…) ? Tous ces gens ont-ils pris le temps de consulter un dictionnaire ? (Vision d’une catastrophe comparable à la fin du monde, telle qu'elle est décrite dans l'Apocalypse de Jean).

On peut parfois sourire devant les casquettes et le statut attribué à certains invités : scientifique ? politicien ? idéologue ? chef d'entreprise ? responsable de communication ?

Les médias veulent occuper l’antenne 24 h sur 24, mais ils manquent d’informations fiables et renouvelées en permanence. Le durable doit céder la place à l’éphémère et au spectaculaire : il a fallu attendre ce jeudi, près d’une semaine après le séisme , pour voir Télématin s’occuper de tectonique et de subduction ! Les hélicoptères et les pompes ne sont-ils pas imaginés pour occuper les commentateurs ? Pourquoi un silence assourdissant sur les entreprises nucléaires (la Tokyo Electric Company) ? Le Japon vante ses réalisations en robots et en robotique. Pourquoi ne sont-ils pas mis davantage au service de l’industrie nucléaire ? Où sont les milliers de capteurs automatiques et les caméras de vidéosurveillance ?

[ démonstration caricaturale sur la TNT, ce jeudi : un commercial d'une entreprise fabriquant des robots (français) vient montrer sa marchandise, capable de descendre un escalier normal, pas un espace dévasté par un séisme et des explosions. Question : vous a-t-on sollicité ? Non ! Peut-être que les entreprises japonaises savent aussi faire ...] 

 
Les géographes sont absents; les médias leur préfèrent les économistes (plutôt pro-patrons) et les politologues (côté sondages). Pourtant, les géographes auraient beaucoup à dire sur les sociétés humaines face à la tectonique des plaques, sur l'Asie orientale dans la globalisation, sur l’occupation du sol au Japon (ne pas confondre le littoral pacifique du Tohoku et la Mégaloplis), sur l’implantation des réacteurs à confronter avec la répartition de la population, sur la conception et l’âge de la centrale…

La Perry-Castenada Library a mis en ligne une sélection très utile de cartes sur le Japon, anciennes ou récentes.
. http://www.lib.utexas.edu/maps/
ou bien http://www.lib.utexas.edu/maps/japan.html
dont celle-ci sur l’implantation des centrales nucléaires au Japon
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Japan_Nuclear_power_plants_map.gif


- Franck David, qui a enseigné ses dernières années au Lycée Français de Tokyo, vante l’anticipation des risques naturels par le Japon. A lire dans les archives de la liste H-Français(une liste hébergée par H-Net à l’université du Michigan)


- « Le Japon est profondément optimiste »
Marianne publie un entretien avec Jean-Robert Pitte - Mardi 15 Mars 2011
http://www.marianne2.fr/Jean-Robert-Pitte

La nucléaire ? « il n’y a pas d’alternative » affirme le géographe -T.I.N.A disait Thatcher en son temps.

« Les Japonais disent « c’est la crise » quand ils font 5% de chômage et 3,5% de croissance ! C’est ce que j’aime dans ce pays. Les gens se remettent en cause, ils cherchent des solutions à tous leurs problèmes. C’est passionnant. La vraie grande qualité du Japon c’est d’être aux aguets des idées nouvelles et ils « japonisent » tout ce qu’ils empruntent, religion, technique, architecture, culture, politique etc. »

Le Japon de l’entre-deux guerres a-t-il seulement été « influencé par le modèle européen des grandes dictatures » ?
L’entretien en dit sans doute davantage sur l’ancien président de la Sorbonne, son tempérament et ses idées que sur celles de Japonais d’aujourd’hui.


- Philippe Pelletier (Lyon 2) était l’invité de l’émission Cultures monde, sur France Culture (mercredi 16/03)
L’émission au format mp3
J’ai pris le temps de transcrire ses quatre interventions, qui tranchent nettement avec les propos des économistes libéraux ou des politiques invités dans les médias dominants.

Vers la 3e mn
Etes-vous toujours aussi optimiste quant à la capacité des Japonais à surmonter la catastrophe ?

Je me suis peut-être mal exprimé. Je n'ai pas cherché à relativiser, mais à géographiser, ce qui n'est pas la même chose. On dit toujours « les Japonais » mais on sait très bien qu'il y a des classes sociales, avec des intérêts divergents et des antagonismes, qu'il y a des régions : ce qui se passe à Tokyo n'est pas ce qui se passe à Sendai, Tokyo, ce n'est pas le littoral et les rias de Sanriku qui ont été frappées de plein fouet par le tsunami. Donc il faut différencier les situations pour bien comprendre ce qui se passe.

Après, sur la question de l'optimisme et du pessimisme, je ne lis pas dans le marc de café. J'observe cependant un regain du catastrophisme, une idéologie dominante genre choc dénoncée par Naomi Klein. Il ne faut pas tout mélanger. Quand on met sur le même plan le bombardement d'Hiroshima, un largage humain - ou plutôt inhumain - sur une ville dans le cadre d'une guerre impérialiste, et la vague du tsunami, je ne peux pas être d'accord : ce sont deux choses très différentes, même s'il y a des morts dans les deux cas.


Vers la 11e mn
Comment voyez-vous la place de l'armée et le sentiment nationaliste au Japon ?

La catastrophe nucléaire est une catastrophe technologique, humaine, qui résulte de choix politiques et économiques en amont, c'est un enjeu énorme et j'ai peur que nous soyons dans une logique dominante, alors qu'en réalité on est à un tournant absolument incroyable aussi bien au Japon que dans le reste du monde. C'est à dire : va-t-on continuer comme cela, à prendre des risques aussi inconsidérément ? La centrale nucléaire était toute pourrie, cela fait un an que l'on demandait sa fermeture, la maintenir sur une zone sismique, il y a de quoi se poser des questions. On peut supposer que les Japonais [certains Japonais ?] vont se poser des questions et demander des comptes. C'est à ce moment-là que les choses sérieuses vont commencer, une fois le choc passé.

Les réponses vont être multiples, car la société est composite ; ce n'est pas un bloc homogène. Sur le plan politique, par exemple, deux courants se sont dégagés. Le première ministre Kan Naoto a dit que c'était la crise la plus grave que le Japon avait connu depuis 1945, ce qui n'est pas totalement faux. En face, le gouverneur de Tokyo Shintarō Ishihara tient un discours hallucinant ; il a été réélu trois fois sur des positions néo-nationalistes pour ne pas dire quasi xénophobes ; pour lui, le tsunami est une punition du ciel ; il fallait nettoyer une fois pour toutes l'égoïsme japonais, la crasse que les Japonais ont accumulé dans leur cœur toutes ses années. Pour lui, ils se seraient abimés dans le matérialisme sordide, le japon aurait perdu ses valeurs. Or il y a un paradoxe : Ishihara est membre de l'élite, il soutient le modèle capitaliste, on voit pas très bien sur quoi déboucheraient de telles positions. Mes correspondants notent un discours ambiant : « ah, on a vécu une guerre, on a subi des bombardements, on est costaud, on s'en sortira, sous-entendu, nous sommes forts, nous sommes différents ». Ce type de conviction risque de tordre les choses malgré tout.

Un dernier mot, à propos des forces d'auto-défense : moi, j'aurais une analyse un peu différente. Les forces d'auto-défense, ce ne sont pas des pompiers, pas des civils. A un moment donné, les Japonais sauront aussi faire la différence. Envoyer des troupes en Afghanistan, c'est une chose, avoir des groupes civils qui pratiquent une solidarité active, c'en est une autre. [face à un tel désastre, il vaut mieux avoir des techniciens efficaces que des uniformes formés pour d'autres missions]


Vers la 28e mn
Peut-on faire un parallèle avec Kobé en 1995 ?

Haruki Murakami, c'est un auteur bobo, très bohème, très onirique. C'est une sentinelle, il a une réflexion, mais il n'est pas vraiment politisé sur le fond. Il est cosmopolite, il est ouvert sur le monde il représente ce Japon qui connaît mieux le monde que le monde ne connaît le Japon.

J'attends avec beaucoup d'impatience ce qu'il va tirer de ces chocs, à la fois du séisme, du tsunami et du nucléaire. S'il n'en disait rien, ce serait décevant, pathétique, pitoyable ; il ne pourra pas se contenter de dire « on coupe la télé et on va au zoo ». http://www.deslivres.com/auteur/67/Murakami-Haruki.html
On fait comme si tout devait fonctionner comme avant, les pièces détachées vont continuer d'être livrées à la Chine, etc, ce n'est pas possible, ce n'est plus possible. Le Japon a des liquidités, l'épargne populaire est efficace, il peut récupérer ses bons du Trésor aux USA, il peut comprimer un certain nombre de dépenses.. Kobé a montré que l'on peut relancer l'économie : le BTP occupe 7 millions de personnes, c'est 10% de l'emploi, entre 8 et 10 % du PIB. Mais fatalement le Japon devra repenser la protection, le nucléaire, l'énergie, l'ensemble du fonctionnement de son économie.


Vers la 41e mn
Le Japon sera-t-il le premier pays décroissant ?

Le modèle pour une agri raisonnée est né au Japon, a transité par la Californie, avant d'arriver en Europe... shima okoshi, reveil des villages, des petites villes... c'est embryonnaire, minoritaire, mais la situation peut pousser à changer d'échelle... le mouvement citoyen peut aussi prendre de l'ampleur..


Un nouveau Japon ? Regards sur les mouvements alternatifs, Jean-Marie Bouissou – Ceri 1997
http://www.ceri-sciencespo.com/publica/etude/etude30.pdf

http://www.una-leader.org/leader/IMG/pdf/AMAP_V2.pdf

jp_atlas                  pelletier

Philippe Pelletier, Le Japon - Géographie, géopolitique, géohistoire, Sedes, 2007

A lire dans les cafés géographiques 

 

 

 

 

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