Comment raconter l'histoire ?
Comment raconter l’histoire ? - salon du livre Caen 2015
débat animé par Marie-Madeleine Rigopoulos, journaliste
Paula Jacques, Au moins il ne pleut pas, Stock
« Dans un roman inspiré de sa propre expérience, Paula Jacques revient sur l’Israël des pionniers
en s’attachant aux pas de deux orphelins juifs chassés d’Egypte ».
Elise Fontenaille-N’Diaye, Blue Book, Calmann-Lévy
« Enquêtant sur son arrière grand-père officier,
la romancière Elise Fontenaille-N’Diaye découvre une page sombre et oubliée (sic) de l’histoire coloniale allemande ».
http://www.liberation.fr/livres/2015/01/14/la-colonie-genocidaire_1180716
http://la-plume-francophone.com/2015/03/15/blue-book-elise-fontenaille-ndiaye/
Le génocide des Herreros et des Namas
http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_des_Héréros_et_des_Namas
Ivan Jablonka, L’histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales
CR Dimitri Julien - 10.03.2015 - http://ver.hypotheses.org/1338
CR Elara Bertho, Fabula, 04.02015 - http://www.fabula.org/acta/document9267.php
CR Serge Martin http://ver.hypotheses.org/1338
Paul Veyne et Ivan Jablonka : « L’histoire peut s’écrire pleinement », Le Monde 02.10.2014
http://www.lemonde.fr/livres/article/2014/10/02/paul-veyne-et-ivan-jablonka
« Si l’on cesse un instant de réduire le littéraire au fictionnel [et à la fable], on s’aperçoit que la littérature est bien plus vaste que le roman. Elle n’a même aucun mal à accueillir, parmi « les écrits du réel » un type de récit comme celui que propose l’histoire.
« L’histoire est d’emblée littérature, puisque c’est dans le texte qu’elle se fabrique ». Plus précisément, elle est une littérature contrainte par ses propres exigences, ses outils et ses méthodes
« Une fois brisé le vieux couple antagoniste littérature-histoire, usé par ses propres querelles, Jablonka peut souhaiter le mariage de l’histoire (et des sciences humaines) avec des quêtes formelles plus ambitieuses. Il peut revaloriser la forme de l’enquête et militer pour l’usage du « je ». Il peut aspirer à rattraper le rendez-vous manqué de l’histoire et de la modernité littéraire ».
L’historien comme écrivain et comme témoin - Vox Poetica 16.05.2014
http://www.vox-poetica.org/entretiens/intJablonka.html
extraits :
« J’essaie de produire des textes qui puissent être considérés comme littéraires, sans rien abandonner des exigences propres aux sciences sociales ».
« Je ne crois pas aux distinctions entre « historien », « écrivain », « littéraire ». Ces termes tendent à devenir des étiquettes. Dans mon enseignement comme dans ma pratique, je plaide pour une rencontre entre les genres – ce qui ne veut pas dire qu’il faille abolir les méthodes ou les disciplines. Je ne pense pas qu’il y ait des identités, des professions ou des postures dont les individus seraient prisonniers. La seule chose qui compte, ce sont les exigences intellectuelles et les manières d’écrire ».
« Depuis la dernière moitié du XIXe siècle, il y a une illusion scientiste qui consiste à prétendre que le savant est un être impersonnel, sans intérêt ni attaches, capable d’accéder à une neutralité apollinienne. Mais le chercheur n’a pas à rougir de ce qui fonde son individualité, du moment qu’il en a conscience, qu’il ne bascule pas dans la rancœur ou le dénigrement, qu’il s’efforce de montrer avec honnêteté en quoi son propos est situé, c’est-à-dire inscrit familialement, socialement, politiquement, intellectuellement. Le défi auquel nous sommes confrontés n’est pas d’abandonner notre enveloppe d’individu, mais d’assumer ce qui fait partie de l’histoire, notre présent, nos émotions, nos attendus, nos filiations dans tous les sens du terme. On ne doit être ni l’otage, ni la dupe de soi-même ».
« Ce qu’on appelle la « non-fiction » a été inventé par Rodolfo Walsh à la fin des années 1950, puis pratiqué par des journalistes et écrivains américains dans les années 1960-1970. Qu’est-ce qu’on entend par « non-fiction » ? Le contraire de la fiction, certes, mais aussi une écriture du réel, le factuel coulé dans le romanesque. Maintenant, je pose la question : quand je dis « Mon grand-père a été condamné à cinq ans de prison », est-ce de la non-fiction ? C’est de la non-fiction parce que c’est vrai. Mais pourquoi est-ce vrai ? Parce que je le prouve en m’appuyant sur des archives que je recoupe avec des témoignages. C’est cela qui fonde le rapport au vrai. L’« autorité de l’historien » provient de cette aptitude à démontrer, à prouver, à douter aussi, et non pas de ses diplômes ou de sa position académique ».
« On croit souvent que l’historien est tourné vers le passé. Mais l’histoire est actuelle, quelle que soit la période qu’elle se donne, car l’historien travaille toujours à partir de questionnements et de sources qui existent hic et nunc. Sa matière première, c’est un matériau qui existe dans le présent. Même si elle vient d’un passé très reculé, c’est toujours une trace qui a voyagé jusqu’à nous. L’historien est un individu, un petit-fils, un père, un citoyen sur lequel déteignent un certain nombre de problèmes et de débats du présent. Je suis fils d’orphelin, donc fils de mon siècle ».
Comment fonder des sciences sociales qui procurent du plaisir au lecteur et au chercheur ?
Jablonka analyse les formes multiples de la fiction.
« Au XIXe, Balzac et Zola s’intéressent à des questions que les historiens de l’époque n’avaient pas l’idée d’aborder. Ouvrons Germinal : on y parle de la sexualité, de la mort, des loisirs des ouvriers, de leurs conditions de travail, de leurs maladies professionnelles… A la même époque, les historiens écrivent une histoire qui nous paraît aujourd’hui désuète ».
La littérature ne se réduit pas au roman (cf le non-fiction novel aux USA - Truman Capote)
Jablonka propose de
1 - Faire de « la fiction de méthode» un élément du raisonnement (une question, une volonté d'expliquer le réel)
2 - Inventer de nouvelles formes littéraires pour les sciences sociales
Il dit son scepticisme sur l'objectivité et la neutralité prétendues de l'historien. Il préfère les termes de transparence et dhonnêteté : dire d'où l'auteur parle, exposer sa méthode, désacraliser son discours, faire une histoire qui refuse d'enlever les échafaudages et qui montre le travail en cours
Il veut remplacer l'histoire-résultat par une enquête vérité, entrer dans une double dimension d'écriture et de réflexivité
« L'histoire est d'autant plus scientifique qu'elle est littéraire »
- Ivan Jablonka, Histoire des grands-parents que je n'ai pas eus,
« J'ai tenté de libérer mes grands-parents de leur propre mort »
Ils ont raconté la shoah, Télérama 29.03.2015
http://www.telerama.fr/idees/ivan-jablonka
Ivan Jablonkla est rédacteur en chef du site La vie des idées