Plagier sur internet : bof !
« Non seulement les étudiants américains reconnaissent qu’ils piratent sur Internet, mais ils ne voient pas où est le problème » se lamente Marc Schindler, « un Journaliste suisse » (retraité ?) dans un point de vue publié par Le Monde - 04.08.10
Le texte existe aussi en version blog de Mediapart à la date du 05.08.2010
« Toutes les études récentes en Europe, en Asie et aux États-Unis révèlent la même réalité : tout le monde [sauf sans doute le journaliste suisse] a plagié, plagie ou plagiera grâce à Internet. C’est tellement facile... » écrit un professionnel qui veut être jaugé « à l'aune de sa rigueur ».
Oui le plagiat est un problème. Certains auteurs sont parfois pris la main dans le clavier.
Oui, des entreprises en mal de profit savent piller les sites web existants et s'en attribuer la paternité. Même un ministre peut être accusé de plagiat...
Le plagiat, avec ou sans internet, est surtout un sujet inépuisable.
En mai, l'article Plagiat : la copie pointée à
l'université relayait une annonce universitaire et tentait de vendre quelques logiciels anti-plagiat. Le Monde - 21.05.10
En
août, le plagiat, c'est avant tout un marronnier excellent pour combler le vide...
On peut supposer que la presse ne plagie pas...
Cependant, ces titres du 7/08/2010 interrogent :
Les Etats-Unis n'ont jamais présenté d'excuses pour ces attaques (Le Figaro).
Les États-Unis n'ont jamais accepté de présenter des excuses (Le Point)
Les Etats-Unis n'ont jamais présenté d'excuses (Var Matin)
Simple copier-coller de la même dépêche de l'AFP ?
Paresse professionnelle, liée à la torpeur et aux vacances ?
Suivisme moutonnier des médias que rassure le fait de dire la même chose que la concurrence ?
.
Plusieurs éléments incitent à décoder et critiquer le point de vue du Journaliste suisse (retraité).
- Rigueur dans la citation des adresses web ?
Le point de vue a été visiblement inspiré par un article de slate.fr, qui prend appui sur deux journaux américains (The New York Times, Burlington Times News). Or ce n'est pas cet article qui est mentionné dans le texte, mais l'entrée globale du site slate.com. Même pas l'adresse d'une recherche spécifique sur les articles du NYT traitant du plagiarism
Toujours dans ce point de vue, on peut lire : «
... une étude américaine réalisée par le Centre pour l’intégrité
académique, publiée par le New York Times et analysée par le site www.slate.com ». Le Centre pour l'intégrité académique ?? Pour décoder, il faut lire le New York Times : le journal évoque Teresa Fishman, director of the Center for Academic Integrity at Clemson University
Côté adresses web, le travail sur internet paraît manquer d'un minimum de rigueur.
- La rigueur face au plagiat ?
Plusieurs formulations semblent dériver des articles américains, dans des passages sans guillemets. Un exemple :
J'ai
toujours cru, parce que c'est ce qu'on m'a appris, que j'étais
quelqu'un d'unique (Le Monde).
« If you are not so worried about presenting
yourself as absolutely unique, then it’s O.K. » (Susan Blum selon le NYT)
... avec mes mots à moi !... écrit le Journaliste ...
.
- La rigueur face au plagiat ?
« Tout le monde a plagié, plagie ou plagiera
grâce à Internet ».
La généralisation abusive serait-elle la nouvelle forme de la rigueur ?
- Mélanger, « à l'aune de la rigueur », les écrivains, la contrefaçon
industrielle, les anti-sèches et la triche scolaire, cela peut-il
vraiment faire avancer le débat ? Entretenir la confusion entre ce qui
relève de la marchandise et ce qui ressort de la formation
intellectuelle, cela sert-il la rigueur ?
Dommage, car il y aurait beaucoup à dire sur les
formes nouvelles du travail intellectuel, sur la place de la citation
(en latin ?) dans une argumentation, sur la mention des sources (dans
certaines notes de bas de page...).
Charlot et Paulette Godard, Les Temps Modernes - extrait
.
- La rigueur et l'image donnée des étudiants...
« if you say things you don’t
believe, it’s O.K. If you write papers you couldn’t care less about
because they accomplish the task, which is turning something in and
getting a grade,” Ms. Blum said, voicing student attitudes... » (NYT)
................................................................. «... ça ne pose pas de problème d'écrire des dissertations dont vous
vous fichez parce qu'elles ne font qu'accomplir un but, le but de
rendre un devoir et d'être noté ... ».
Rendre un devoir et être noté, est-ce le seul et unique but des étudiants d'aujourd'hui ?
Rigueur ou caricature ?
.
(J'ai toujours cru) « Que c’était immoral de copier et de plagier » poursuit le journaliste suisse.
On peut faire appel au simplisme et à la morale.
On peut se lamenter sur les pratiques actuelles des étudiants.
On peut fantasmer sur
le bon temps où il suffisait de recopier à la main les pages du Lagarde et
Michard...
On peut aussi explorer des solutions viables, à la suite de nos collègues québécois.
De fait, ne serait-il pas plus efficace de questionner le travail scolaire actuel : Quelle a été la commande initiale du prof ? Quelles
sources ont été suggérées ? Que veut-on évaluer et noter ?
.
« Les abeilles pillotent de çà
de là les fleurs, écrivait Montaigne, mais elles en font après le miel, qui est
tout leur ; ce n’est plus thym ni marjolaine ainsi les pièces
empruntées d’autrui, il les transformera et confondra pour en faire
un ouvrage tout sien, à savoir son jugement »
Le
constat de Cyberthèses est aussi rassurant : « Paradoxalement, plus un
document est diffusé, plus il est difficile d'en piller des extraits
sans courir le risque d'être démasqué ».
http://www.cybertheses.org/?q=fr/node/21
.
Rappels :
- « Google pillé-collé, l'arme fatale des étudiants.
Grand réservoir du savoir, le Net peut aussi saper une certaine idée de la connaissance »...
Déjà en 2006, Pascal Lardellier vitupérait le web dans un rebonds publié par Libération.
- Au Québec, la revue électronique Clic (ntic) a consacré en avril 2010 un dossier à la dimension pédagogique du plagiat.
http://clioweb.free.fr/debats/plagiat.htm