Bertillon accusateur de Dreyfus - 1
Le capitaine Dreyfus devant le conseil de guerre, Le Petit Journal 23.12.1894
illustrations de l'article L'Affaire Dreyfus dans Wikipedia
d’après l’exposition « Un oeil sur le crime », Musée de Vire (29 avril au 1er nov 2015)
et un texte de Pierre Piazza.
http://museedevire.blogspot.fr/p/nos-expositions-temporaires-leau-eden.html
L’exposition viroise « Un oeil sur le crime » évoque le rôle discutable de Bertillon lors de l’Affaire Dreyfus
En septembre 1894, une lettre trouvée dans les poubelles de l’ambassade d’Allemagne déclenche une enquête : le général Mercier, ministre de la guerre et l’Etat-Major accusent le capitaine Alfred Dreyfus d’espionnage au profit de l’Empire allemand.
Le bordereau, photo du 13.10.1894 - source Wikipedia
Fiche anthropométrique d’Alphonse Bertillon réalisée en 1912
http://criminocorpus.revues.org/2716
Les militaires confient à Alphonse Bertillon l’analyse du « bordereau ». Le précurseur de la police scientifique a publié des textes sur la comparaison des écritures et l’identification graphique ; il s’érige en spécialiste de la graphologie. Convaincu de la culpabilité de cet officier, Bertillon expertise les fragments de cette correspondance anonyme. A partir de cette pièce essentielle du procès, il développe la thèse complexe de « l’autoforgerie » : il veut prouver une falsification de son écriture par Dreyfus lui-même.
Exposition Un oeil sur le crime, une vitrine consacrée à l'Affaire Dreyfus
Des mathématiciens dans l’affaire Dreyfus ? Autoforgerie, bertillonnage et calcul des probabilités
Laurent Rollet, 20 avril 2013
http://images.math.cnrs.fr/Des-mathematiciens-dans-l-affaire.html
Lors du premier Conseil de Guerre, en décembre 1894, les juges militaires adoptent les conclusions de Bertillon, sans toujours saisir les subtilités de ses démonstrations : Dreyfus aurait contrefait son écriture. Condamné au bagne pour intelligence avec une puissance étrangère, Alfred Dreyfus est dégradé en janvier 1895 dans la cour de l'Ecole militaire, puis déporté sur l’île du Diable, en Guyane.
Ceux qui sont convaincus de l'innocence du capitaine doivent alors mener un combat très long et très difficile.
En janvier 1898, L'Aurore publie le J’accuse d’Emile Zola qui relance l’affaire.
Ensuite la révélation des faux fabriqués par le colonel Henry provoque en juin 1899 l’annulation par la Cour de Cassation du jugement de 1894.
En France, l’opinion est profondément divisée. Pour les antidreyfusards, l'armée ne peut se tromper ; l'antisémitisme est très développé (cf. Maurice Barrès en 1895 (« Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race »). Les dreyfusards se battent pour la justice et le droit. Ils reprochent à Bertillon de soutenir un mensonge d’Etat. Son antisémitisme est souligné. On ironise sur ses compétences (supposées) d’expert en écritures ; des rumeurs circulent sur sa probité.
Des élus du Conseil municipal de Paris réclament la démission de Bertillon : « l'anthropomètre » incarne à leurs yeux toutes les dérives de la Préfecture de police de Paris. Défendu par le Préfet de police Louis Lépine, il se voit confirmé in extremis dans ses fonctions, mais on lui retire la responsabilité du service de l'identification graphique désormais rattachée au Laboratoire de toxicologie dirigé par Jules Ogier.
Le Siècle, 26.08.1899
source Gallica : http://gallicalabs.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k744084r.item
En août 1899, lors du procès de révision qui a lieu à Rennes, Bertillon maintient ses positions, malgré les railleries dont font l’objet ses explications complexes et tortueuses souvent qualifiées de « délirantes » par ses adversaires. Elles seront définitivement mises en cause en 1904 avec la publication d’un long rapport commandé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Henri Poincaré, Paul Appell et Gaston Darboux, trois illustres mathématiciens, dénoncent dans ce rapport le caractère particulièrement approximatif des calculs de probabilités mobilisés par Bertillon dans ses différents exposés. Ce rapport constituera une pièce essentielle motivant la réhabilitation juridique définitive de Dreyfus par la Cour de cassation en 1906.
Moment intense de division politique de la France, l'affaire Dreyfus a aussi fait émerger des questions sensibles : la place de l'expert dans le procès, sa toute puissance face à des juges et à des jurés non spécialistes, la valeur qu’il convient d’accorder à une expertise produite par un scientifique obstiné susceptible d'être trop influencé par ses convictions.
A suivre...
exposition « Un oeil sur le crime », Musée de Vire (29 avril au 1er nov 2015)
dossier de presse :
http://drive.google.com/file/d/0B_fNIXzYK27GQUNGbzZUMTlHZTQ/view
http://www.cesdip.fr/IMG/pdf/Expo_UN_OEIL_SUR_LE_CRIME_dossier_de_presse.pdf
rappel : L'Affaire Dreyfus sur internet :
http://clioweb.free.fr/dossiers/dreyfus/dreyfus.htm..
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