L'histoire à parts égales - suite
Romain Bertrand, l'auteur de L'histoire à parts égales -
Récits d'une rencontre Orient-Occident (XVIe-XVIIe siècles)
était l'invité de Sylvain Bourmeau - La Suite dans les idées - 17/12/2011
écouter et archiver l'émission au format mp3 :
http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/16260-17.12.2011-ITEMA_20330207-0.mp3
Extraits :
vers la 18e : Il faut décentrer notre regard sur les premières modernités. Le lieu de l'étrangeté, ce ne sont pas les mondes asiatiques ; c'est la fin du XVIe qui est si loin de nous. Comprendre un marin ou un philosophe (cf G Bruno) de cette époque, pour nous c'est une chose extrêmement difficile. L'histoire européenne a tout fait pour résorber cette étrangeté de la fin du XVIe.
16e : Il faut à la fois se réjouir et se défier de la fascination esthétique que provoque une exposition sur les enluminures persanes. L'histoire globale reste une affaire d'un gentlemen's club européen qui être prête à s'ouvrir quand il s'agit d'épices, d'enluminures mais se referme quand il s'agit de choses sérieuses, de philosophie, d'histoire des sciences ou de la pensée politique.
13e : à la fin du XVIe, les continents dans leur ensemble sont reliés par des routes maritimes ; mais des bassins régionaux préexistent à l'arrivée des Européens.
[ Se méfier des catégories héritées du XIXe et dont certains politiques et les médias dominants abusent ]:
Vers la 6e : Etre Hollandais en 1590 ? Eviter le grand récit en majuscules, où chaque individu serait le résumé fidèle d'une civilisation ou d'une culture. Il faut faire une histoire au ras des flots qui montre que ces contacts ont mis aux prises des acteurs sociaux. Ce n'st pas l'Europe qui rencontre une Asie déjà arriérée, mais des marins et des marchands , des gens du monde des docks qui partent à la rencontre de sociétés régies par un pouvoir de type monarchique avec un rôle majeur d'aristocraties particulièrement éprises de convenance. La rencontre se fait entre un monde marchand européen et un monde aristocratique javanais et malais, ou plus précisément entre des fragments de ces deux mondes, les Hollandais venant d'un pays qui est une enigme politique dans une Europe monarchique, un pays qui est à feu et à sang depuis 3 décennies...
22e : Etre chrétien en 1590 ?
RB veut suivre les acteurs au plus près de leurs propos.
Le langage de l'affrontement entre chrétienté et islam n'a pas cours dans les témoignages de la fin du XVIe. Les Hollandais ne se définissent pas comme des chrétiens partis à la rencontre de sociétés païennes ou musulmanes. Ils auraient eu beaucoup de difficulté à le faire : ils sont les enfants d'une Europe brisée par les guerres de religion, ils partent d'un pays mis à feu et à sang par les Espagnols qui entendent écraser l'hérésie (le protestantisme) ; ils ne sont pas très sûrs de ce que c'est d'être un bon chrétien. Ils rencontrent un monde dans lequel les gens ne sont pas très sûrs non plus de ce que c'est d'être un bon musulman, d'articuler rite et mystique, loi et charia. Ces deux mondes sont dans une incroyable incertitude sur des catégories qui sont alors beaucoup plus fluides que ce qu'en diront les cultures associées aux Etat-nations du XIXe. Au nom de quoi l'historien devrait-il employer des catégories qui font à ce point injure à ce qu'était la conscience de soi des acteurs ?
25e : L'inscription disciplinaire ? La bataille des étiquettes ?
Histoire ? anthropologie ? Romain Bertrand vient des études asiatiques. L'inscription disciplinaire n'est pas prioritaire pour lui. Histoire et sciences sociales ont vécu un tel itinéraire de compagnonnage que la question n'a plus de sens. Que serait une histoire sans sociologie, ou une socio qui ne se poserait a aucun moment la question de l'historicité de ses catégories ?
La bataille des étiquettes (histoire globale, connectée, atlantique) est vaine également. Elle n'a d'intérêt que si elle se rattache a des projets historiographiques, à des questionnements susceptibles d'être partagés entre intellectuels.
Il met en garde contre le risque d'un exceptionnalisme méthodologique : changer d'objet ou de regard ne dispense pas de s'interroger sur la démarche et la méthode. Pour l'histoire globable ou les pos-colonial studies, c'est une manière de raccorder leur questionnement à celui des autres historiens ; c'est une bonne chose, il faut renoncer à l'enclavement de l'exception.
Voir également le blog Clioweb 30/09/2011
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Blois 2011, la suite
Blois 2011
- La table ronde d'Aggiornamento : un fichier au format audio , le texte de 2 interventions.
- L’agenda de l’histoire globale – 4e trim. 2011
http://blogs.histoireglobale.com/
avec un article déjà cité de Vincent Capdepuy
- L'histoire globale peine encore à supplanter le "roman national" en France
Gaïdz Minassian - Le Monde 19/10/2011
Le site des Rendez-vous, le flux rss :
http://www.rdv-histoire.com/spip.php?page=backend
Blois les enregistrements audio 2007-2010
http://www.rdv-histoire.com/-Enregistrements-audio-.html
Le blog de Blois, dont un long entretien avec Romain Bertrand
http://lerecitconcordant.wordpress.com/
L'histoire à parts égales
Dans un Monde des livres un peu moins littéraire cette semaine, trois excellentes pages sur l'histoire globale ou histoire connectée, une approche qui risque de mettre beaucoup de temps à passer dans l'histoire scolaire. A archiver.
- Orient-Occident, la rencontre n'a pas eu lieu
http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/09/29/orient-occident
« Une flottille a jeté l'ancre dans la rade de Banten, au nord de Java. Ceux qui viennent de passer le détroit de la Sonde sont hollandais et abordent pour la première fois ce monde insulindien qu'ils rêvent comme un eldorado. Ils pensent vivre un moment historique. C'est, pour eux, le 22 juin 1596, Anno Domini : le nouveau siècle frémit d'impatience. Pour ceux qui les accueillent, en revanche, le seuil du premier millénaire vient d'être franchi, sans que rien de neuf soit apparu ... »
« D'où l'expérimentation historiographique à laquelle invite ce livre enthousiasmant qui contredit avec allégresse les discours ambiants sur le déclin de l'histoire en langue française : envisager les récits d'une rencontre entre deux mondes qui s'ignorent, en conférant une égale dignité documentaire aux archives du contact. Cette Histoire à parts égales exige de ralentir l'allure, de densifier la description, de se rapprocher des acteurs. Elle ne peut se payer de mots, ni se contenter d'une théorie des bonnes intentions ; elle est, tout entière, une méthode d'enquête et un art du récit. Aussi ne révèle-t-elle sa force véritable que dans le foisonnement aventureux d'une lecture au long cours ».
- Java, un des noms de l'oubli qui a recouvert l'histoire de toutes les sociétés extra-européennes
entretien avec Romain Bertrand auteur de L'histoire à parts égales, Le Seuil 2011
«... la pire façon d'écrire l'histoire des premiers contacts entre les Européens et les sociétés d'Asie du Sud-Est, c'est de céder à la tentation téléologique, de la raconter depuis ce que nous imaginons être sa fin logique : la colonisation. Laissons aux commencements leur indétermination.. ».
http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/09/29/java-un-des-noms-de-l-oubli
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- A monde global, histoire globale, Antoine Lilti
« Dans L'Histoire à parts égales, la scène convenue de l'affrontement colonial semble se déliter et laisse apparaître en filigrane l'histoire plus trouble d'une incompréhension mutuelle, d'une rencontre manquée ...
La leçon, à défaut d'être simple, est précieuse : l'histoire ne révèle ni le choc inéluctable des civilisations, ni une inter-culturalité béate, mais bien la richesse des processus complexes par lesquels des sociétés et des individus entrent en contact, échangent, se combattent et, parfois, s'ignorent ou se méprennent ».
http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/09/29/a-monde-global-histoire-globale_1579689_3260.html
(Mediapart rapproche le livre de celui de Jack Goody, Le vol de l'histoire. Comment l'Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde. Gallimard 2010)
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- Empires ou civilisations ?
Là où la notion de civilisation implique souvent des mondes cloisonnés, qu'Huntington (et Bush) ont voulu opposer, celle d'empires privilégie les circulations
http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/09/29/l-empire-contre-attaque_1579691_3260.html
Jane Burbank et Frederick Cooper, Empires in World History. Power and the Politics of Difference, Payot Histoire
Les grandes civilisations, cours du Collège de France à Aubervilliers, présenté par Carlo Ossola et Jack Ralite, Bayard
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Egalement, un article sur l'ouvrage de Samuel Kassow, Qui écrira notre histoire ? Les archives secrètes du ghetto de Varsovie, Grasset. Avec Emanuel Eingelblum, une soixantaine de bénévoles du groupe Oyneg Shabes ont amassé les archives du ghetto où les nazis entassent et tuent.
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- Romain Bertrand tente une nouvelle histoire du monde, qui n’oublie pas 55% de l’humanité
Joseph Confavreux - Médiapart - 28 septembre 2011
http://www.mediapart.fr/article/offert/b359cf94c2fd6be2f017f333d8840394
- 10/10 : L'émission Les Lundis de l'histoire recevait Romain Bertrand et Patrick Boucheron.
Romain Bertrand mentionne quelques désamours et un énervement...
à archiver et écouter en différé au format mp3
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Eurescl : Esclavages et héritages
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Enseigner les traites, les esclavages, leurs abolitions et leurs héritages
Le colloque 2011 coordonné par Eric Mesnard et Marie-Albane de Suremain vient d'avoir lieu à Paris.
Une idée essentielle : faire de l'histoire des esclavages un élément majeur d'une histoire globale, et cesser de la placer aux marges de l'histoire scientifique.
Une critique vigoureuse faite aux programmes actuels : l'histoire y est souvent malmenée.
Une illustration, dans l'intervention de MA de Suremain et dans celle de B Gainot : la 2de pro traite Le premier empire colonial français, XVIe-XVIIIe siècle alors que la 2de générale Chatel expédie, en fin de programme, Les abolitions de la traite et de l’esclavage et leur application (sans lien avec l'histoire globable qui précède).
Il en ressoirt souvent une prime donnée aux approches mémorielles et aux jugements moralisateurs.
Pour ceux que le sujet intéresse, les actes du colloque devraient paraître assez rapidement.
Lire Myriam Cottias, Elisabeth Cunin et Antonio de Almeida Mendes, Les traites et les esclavages. Perspectives historiques et contemporaines. Kathala 2010
http://www.esclavages.cnrs.fr/spip.php?rubrique99
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Sur le web, un premier site a été créé en janvier 2008
pour le Centre International de Recherches sur les Esclavages (CIRESC)
http://www.esclavages.cnrs.fr/
Le libellé est simple et explicite (cnrs, esclavages)
Il prévoyait une rubrique II. L’esclavage au fil des documents
Traces de l'esclavage - L'esclavage dans la longue durée - Dire / figurer l'esclavage
La rubrique est restée vide, en dehors d'un lien vers les textes officiels.
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- Aujourd'hui, les sources sont disponibles sur un autre site web, à découvrir et à explorer :
Slave Trade, Slavery Abolitions
and their Legacies in European Histories and Identities
http://www.eurescl.eu
Le site dirigé par Myriam Cottias a été conçu par l'Association Gens de la Caraïbe ; il est hébergé par l'entreprise Amen SAS et financé par un programme de la Commission européenne (d'où sans doute le libellé eur - escl, un libellé peu explicite et peu facile à prononcer, à la différence de esclavages... ).
Lire la présentation sur le site Comité pour la Mémoire (et l'histoire) de l'Esclavage (présidé par Françoise Vergès).
Myriam Cottias
- Le site Traites, Esclavages, Abolitions, Héritages comporte une entrée Workpackages
dont
Slavery and Slaves in continental Europe
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- La rubrique Le Site pédagogique propose 3 entrées : Programmes, ressources, débats
Un exemple de débat - Oser l'interdisciplinarité
Parmi les sources à exploiter en classe (mai 2011) :
http://www.eurescl.eu/pe0984/web/
XVe - XIXe, (surtout des textes)
Traites
Un voyage de traite, fin XVIIe s.
Traite à Ouidah, 1694
Marchandises de traite sur le littoral africain
Contacts Africains et Européens, Gambie
Rivalités franco-anglaises, Gambie
Mortalité des captifs et des équipages
Vente d'esclave en Guyane, 1696
Voyage de La Jeannette, 1743
Un navire de traite
Une campagne de traite, 1743
Bilan d'un voyage de traite, 1771
Le passage du milieu, O. Equiano 1755-6
Esclavages
Esclaves au Brésil et aux Antilles
Extrait du Code Noir de 1685
Culture de la canne
Soigner le « cheptel humain »
Surveillance de la production du sucre, XVIIe s
Une sucrerie mal gérée
Vente d'esclave, 1780
Echange de femmes esclaves, Saint-Domingue 1788
Affranchissement d'une créole
Une enfance d'esclave, Mary Prince
Résistances
Risques du marronnage
Grand marronnage en Guyane
Marronnage à Saint-Domingue, 1782
Débats et combats
Un théologien justifie la traite et l'esclavage
L'esclavage par nature
Un colon défend la traite, 1791
Un député défend la traite, 1790
Un général pour la traite et l'esclavage,1802
Abolitions
Saint-Domingue, 1793
France, 1794
Après les abolitions
Traites et esclavages aujourd'hui
A côté de l'histoire, d'autres entrées disciplinaires sont prévues :
Philosophie (pour rompre avec le silence...)
Esclavage selon la nature, esclavage selon la loi
Droit naturel et esclavage
La convention de soumission selon Hobbes
Esclavage et état de guerre.
Montesquieu contre l'esclavage 1
Montesquieu contre l'esclavage 2
Montesquieu contre l'esclavage 3
Rousseau, la liberté est inaliénable 1
Rousseau, la liberté est inaliénable 2
Rousseau, Diderot, Esclavage réalité ou métaphore [1]
Rousseau, Diderot, Esclavage réalité ou métaphore [2]
Lettres
Noirs et mulâtres, Texaco
A compléter par l'excellente base documentaire L'Esclavage par l'image
Outre-Manche voir le site de Dan Lyndon
http://www.blackhistory4schools.com/
L'histoire des esclavages, un choix de sites web :
http://clioweb.free.fr/dossiers/colonial/esclavages.htm
source : Google images
Louis XIV ou l'histoire de l'Afrique - 2
- 05/09/2010 - Napoléon a-t-il perdu la bataille du Monomotapa ?
L'analyse de Luc Cedelle sur le blog Interro écrite
« Un empire médiéval, oui, oui. Merci aux polémistes n’gaulois : nous aurions pu, pauvres obscurantistes, continuer à l’ignorer. Au fait, qui a dit, le 26 juillet 2007 à Dakar, que « le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » ? D’où l’utilité, parfois, de faire évoluer les programmes scolaires…»
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- 17/09/2010 : Les réacs au piquet ! - Médiapart http://www.mediapart.fr/club/
réaction de Laurence De Cock, Suzanne Citron, Jean-Pierre Chrétien pour le CVUH à l'émission C dans l'air du 06/09/2010
«
... Et vraiment, il est navrant de (voir les médias) tendre un
porte-voix à ceux qui, de concert avec notre président, pensent encore
que « le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez
entré dans l'histoire » ... de France ? »
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- 12/09/2010 : Une nouvelle polémique sur l'enseignement de l'Histoire en classe de 5e,
par Elisabeth LANDI, Conseillère régionale Martinique, Le Monde chroniques d'abonnés
«
Nous devons faire entendre notre voix et notre exigence que soit prise en compte l’histoire des civilisations amérindiennes, africaines, l’histoire des traites négrières et des sociétés coloniales antillaises dans les programmes français ».
- "Clovis, Jeanne d'Arc et Louis XIV à la trappe !", "Exit les croisades, la Renaissance et Napoléon !"... Historia semble se placer dans le camp de ceux qui veulent "sauver l'Histoire" comme roman national...
http://sauvonslhistoire.historia.fr/