05 mars 2016

Y a-t-il une tyrannie de l'innovation ?

 


Y a-t-il une tyrannie de l'innovation ?
émission du grain à moudre, 22.02.2016
avec
Michel Blay : philosophe et historien des sciences
Delphine Manceau : enseignante-chercheuse à l'ESCP Europe en marketing et innovation
Jacques Lewiner : Physicien et inventeur, professeur et directeur scientifique honoraire de l'ESPCI ParisTech

Pas une émission inoubliable, mais une illustration des choix idéologiques :
La spécialiste marketing tire l'innovation vers la consommation et les parts de marché
Le philosophe rappelle l'opposition entre  les besoins (limités) et les envies/désirs (infinis -
cf. la course à la possession du maximum d'objets et les ficelles des publicitaires)


Pour l'éducation, la spécialiste, c'est Françoise Cros.
Elle voit l'innovation apparaître dans les discours peu avant 1968.
De 1994 à 2001, selon elle, l'innovation est le mode de management du système
Elle souligne une contradiction :  
comment une institution officielle, qui défend par essence les choix politiques,
les programmes, les organisations scolaires, etc., peut-elle favoriser les transgressions ?


NB : Mardi, France 2 innovait.
L'histoire servait à divertir le bon peuple, avec Bern et Nagui.
Au moins à 2 reprises, Nagui a affirmé :
"on n'est pas là pour vous soûler (avec une histoire sérieuse), comme à l'Ecole"
"Nous ne voulons surtout pas faire une histoire rébarbative et scolaire".
Les enseignants apprécieront.

Comment lutter contre des stéréotypes martelés sans cesse par des animateurs omniprésents ?

 

Françoise Cros et l'innovation
- L'innovation, levier de changement - août 1997
http://www.ac-nice.fr/pasi/old/innovations/archives/ancien-site/publications/innovation_levier_changement.pdf
Entretien 2004
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/2004/analyses_55_EntretienavecFranoiseCrosPlutotquedetransfererlinnovationilfauttransfererlinnovateur.aspx
Les jeunes enseigants, 07.06.2013
http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/francoise-cros-sciences-de-l-education-les-jeunes-enseignants-ne-sont-pas-forcement-les-plus-innovants.html

8ème FEI : L'innovation pédagogique : un enjeu de valeurs - 07.12.2015
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/12/07122015Article635850675436153137.aspx

 


L'école en mutations , Cité des sciences et de l'industrie 31.01.2001
Françoise Cros rappelle que l'innovation apparaît peu avant 1968, et qu'elle sert de planche de salut aux ministres qui ne savaient pas/ ne voulaient pas / ne pouvaient pas transformer l'école.
L'innovation fonctionne comme contre-institution de 1960 à 1977
Alain Savary et Louis Legrand en font un élément essentiel de leur politique. La loi Jospin en fait une obligation professionnelle, avec l'élève au centre et le projet d'établissement.
De 1994 à 2001, l'innovation est le mode de management du système


Pour François Dubet, l'école a la langue de bois tellement elle change, ne serait-ce que du fait qu'elle n'a plus le monopole de la culture.
Ces adaptations successives arrivent à épuisement
. elles se font sur les marges. Pourquoi demander aux LEP de faire de la reconstitution narcissique des élèves si le collège continue à produire massivement de l'échec ?
. on ne peut jouer l'avenir d'un système sur l'héroïsme de qq individus.
. les 3 tendances dominantes du corps enseignant (réactionnaire, libérale, conservatrice) entretiennent un discours et un comportement conservateur.
. la crise économique a rendu service à l'école, en lui livrant des élèves captifs. La sortie de crise donne aux jeunes des emplois et une plus grande exigence quant à la qualité des formations.
Tout ceci conduit FD à souhaiter un réel débat sur l'école, à l'occasion des prochaines élections.
 
Si le collège doit fonctionner comme école unique, il faut :
. définir une culture commune, et rompre avec la pratique d'un collège organisé en fonction de ceux qui iront au lycée général
. repenser le rôle des enseignants ; pour lui, le débat entre éduquer et instruire est ridicule et stérile
. réduire le grand écart entre l'universalité des principes et la réalité sur le terrain.


qq observations, dans le débat :
. La France en Europe : elle n'est pas trop mal placée ; nos élèves faibles sont moins faibles que ceux de nos voisins.
. les demandes réitérées sur les moyens sont un échappatoire. Il faut savoir se débrouiller avec les contraintes.
FD évoquant les travaux croisés (que les élèves fassent qq chose) et l'heure de vie de classe sourit quand les profs lui disent "on ne nous a pas appris".
. "notre institution pratique des formes de sadisme à l'égard des élèves" (demander un projet seulement à ceux qui sont en échec)
. Le MEN est incapable de faire les choix indispensables. Il transfère les tensions vers la périphérie, vers les enseignants et les élèves qui en souffrent.


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30 août 2014

Le procès du cours magistral

 

La classe résiste magistralement - Aurélie Collas, Le Monde, 28.08.2014
http://www.lemonde.fr/education/article/2014/08/28/la-classe-resiste-magistralement_4478529_1473685.html

« Une enquête de l’OCDE montre la prégnance, en France, d’une pédagogie verticale , où le professeur déverse son savoir. Moins qu’ailleurs, les enseignants français travaillent collectivement. Moins qu’ailleurs, ils font travailler leurs élèves en petits groupes (37 % disent le faire), moins qu’ailleurs, ils lancent des projets d’au moins une semaine (24 %) ou utilisent des outils numériques (22 %). Une minorité affirme différencier sa pédagogie selon le niveau des élèves (22 %) ».

L’article vilipende le monde enseignant et un syndicat, le SNES : « les enseignants se plaignent de programmes trop lourds et de pédagogies inefficaces, mais toutes les tentatives d’instaurer un style pédagogique moins raide et moins centré sur les contrôles et les notes sont vécues comme une agression et une perte de dignité » (F. Dubet)
Il oppose le modèle français aux pratiques de la Finlande et du Québec.

La source du problème ? une profession fondée sur le modèle universitaire d’érudition, une succession de réformes avortées ou perdues dans les sables (le colloque d’Amiens en mars 1968 n'a pas eu l'impact du rapport Parent (1963-66) au Québec).

La solution ? « d’où viendra le changement, si l’on ne peut compter ni sur une loi, ni sur l’opinion publique ? « De l’intérieur ! », répond Claude Lelièvre. L’historien de l’éducation veut croire qu’avec Internet, la prolifération des manuels numériques, des logiciels et des Moocs (cours en ligne ouverts et massifs), le cours magistral d’amphi disparaîtra … »


Sur l'histoire du cours magistral :
Le cours magistral XVe-XXe siècles
1. Publics et savoirs
http://histoire-education.revues.org/1035
dont Annie Bruter, Le cours magistral comme objet d’histoire, Histoire de l'Education, 120, sept 2008 -
http://histoire-education.revues.org/1829
2 – Le cours magistral comme lieu d'élaboration du savoir.
Le dossier prolonge un séminaire de 2003-2006
http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=histoshe-sem-coursmag-prog
http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=coursmag_ressdoc

Annie Bruter, Le cours magistral dans l’enseignement secondaire. Nature, histoire, représentations (1802-1902)
Histoire @ Politique 21 - sept 2013
http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=21&rub=dossier&item=200

Bruno Poucet, De la rédaction à la dissertation. Évolution de l’enseignement de la philosophie dans l’enseignement secondaire en France dans la seconde moitié du XIXe siècle - Histoire de l'Education, 89, 2001
http://histoire-education.revues.org/844

Pierre-Philippe Bugnard, D’où vient la méthode magistrale ? La méthode qui a souvent les faveurs de l’histoire enseignée mérite bien un examen... ,  Cartable de Clio 2010. Pas lisible en ligne


morel-tradi

source : http://tinyurl.com/resonances-2012

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13 février 2013

Une réforme mal vendue

 

Peillon pein à garder la réforme Libération 10.02.2013
Un échec de la mise en place des quatre jours et demi créerait un sérieux trou d'air pour le ministre.
http://www.liberation.fr/politiques/2013/02/10/peillon-peine-a-garder-la-reforme_880867

Les professeurs battent le pavé en rythme
http://www.liberation.fr/societe/2013/02/12/les-professeurs-battent-le-pave-en-rythme_881440


Des enseignants dans le doute… Libération 10.02.2013
Manque de moyens pour occuper le temps libéré, animateurs non formés : la réforme passe mal
Plus que le mercredi, ce sont les activités péri-scolaires qui coincent ?
A quelle heure ? le midi avec un pause repas allongée ? après 15h30 ?
Où va-t-on mettre les enfants ?
Qui va s’occuper d’eux ? des animateurs ? des profs ?
http://www.liberation.fr/societe/2013/02/10/des-enseignants-dans-le-doute_880830

… et des parents dans le flou
 « Le périscolaire, pour l’instant, n’est pas extraordinaire et j’ai peur que ce temps supplémentaire se transforme, au final, en garderie où les enfants vont s’ennuyer dans la cour de récré ».

«Nous, les animateurs, on fera de la garderie», surtout dans les communes les plus défavorisées.
http://www.liberation.fr/societe/2013/02/12/nous-les-animateurs-on-fera-de-la-garderie_881342



La semaine de 4 jours ? Tout le monde la critiquait Libération 10.02.2013
http://www.liberation.fr/societe/2013/02/10/la-semaine-de-4-jours-tout-le-monde-la-critiquait_880844

François Dubet : « La profession a toujours été plutôt idéologiquement progressiste et scolairement conservatrice, en particulier les professeurs du secondaire qui défendent leurs disciplines. Traditionnellement, les instituteurs étaient jusqu’ici plus ouverts car ils s’intéressent davantage à la pédagogie ».

« Des étudiants en IUFM [Institut universitaire de formation des maîtres] m’ont appelé récemment : on ne leur parlait que de la violence des élèves, du décrochage et de parents insupportables. Alors qu’on aurait pu leur parler d’enfants qui veulent apprendre, d’un métier formidable… Il y a une sorte de spirale de la critique et de la négation. Des enseignants de petites écoles sans problème évoquent leur métier comme si c’était dans une banlieue extrêmement dure. Beaucoup, pourtant, aiment ce qu’ils font mais ils le gardent pour eux. C’est l’un des nœuds du problème : il y a une disjonction entre l’expérience personnelle et l’expression collective ».

« L’Education nationale n’est pas un monde figé, mais sa capacité à se transformer est en question : l’école peut-elle relever d’une politique publique décidée par une majorité démocratiquement élue ? Depuis la fin des années 80, on est dans des blocages et il semble que la réponse est non ».


Edito de Demorand
« Un monde à ne surtout pas bousculer, un univers dont la refondation attendra un autre moment ou un autre ministre, voire un(e) autre président(e), le système, bloqué depuis un quart de siècle pouvant bien patienter encore quelques années avant de faire sa révolution. Rater l’occasion qui se présente aujourd’hui, au nom de telle imprécision à lever et de telle autre imperfection à gommer, c’est menacer le tout pour gagner une petite partie ».

- L'archétype de la réforme mal vendue (et mal pensée ?) - blog de Denis Pingaud
http://communication.blogs.liberation.fr/politique/2013/02/les-chronobiologistes-les-eleves-et-le-ministre.html

 
Lire également les rubriques Education du Monde et du Figaro


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27 février 2010

Les pièges de la méritocratie

Comment réduire les inégalités ?
Agir sur l'égalité des places ?
Laisser les discours sur l'égalité des chances masquer la progression des inégalités ?

3 supports pour cette question :

- Un très intéressant débat entre François Dubet et Eric Maurin
à écouter sur France-Culture (Le Grain à moudre)
ou à lire dans le Nouvel Obs

Dans l'école de la méritocratie et de l'égalité des chances, quel sort réserve-t-on aux vaincus ?
FD  est très  remonté contre l'Etat-providence.
Il dénonce le fait que l'école puisse être en France la seule instance appelée à « définir le mérite et l'efficience professionnelle des individus » et que la réussite scolaire (les maths) puisse être un critère décisif, à l'exclusion de tous les autres.

EM : 30% de boursiers ? Cette façon de prendre le débat est un leurre. La réalité, c’est qu’en ce moment, l'Etat dépense quatre fois plus d'argent public dans les classes prépas et les grandes écoles que dans l’université.

- 2 ouvrages récents de ces sociologues :
François Dubet, Les places et les chances : repenser la justice sociale Seuil - février 2010
Eric Maurin, La peur du déclassement, Une sociologie des récessions - oct 2009
http://www.repid.com/La-peur-du-declassement.html
copie d'articles d'Alter éco et du Monde
http://www.jean-jaures.org/Manifestations/Les-rencontres/Le-declassement

- Les pièges de l'égalité des chances,
une tribune de François Dubet parue dans Le Monde 30/11/2009

extraits :
« En clair, la méritocratie est une morale de vainqueur considérant que les vaincus méritent leur sort quand la compétition a été juste et équitable. La fixation sur les élites n'est pas une perversion du modèle méritocratique, elle lui est consubstantielle puisqu'elle vise à produire des inégalités justes, des inégalités qui seraient méritées par les vainqueurs et par les vaincus, les uns et les autres ne devant leur destin qu'à eux-mêmes ».

« La justice faite aux individus au nom de l'égalité des chances se transforme parfois en injustice collective... On sait que la part des femmes dans les élites s'est élevée sans que la situation moyenne des femmes dans le monde du travail se soit améliorée de façon parallèle : quelques filles accèdent à l'Ecole polytechnique, mais 61 % des emplois peu qualifiés et 82 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes... »
« Ce n'est pas critiquer les dispositifs spéciaux d'accès aux classes préparatoires que de rappeler qu'ils touchent quelques centaines d'individus pendant que 150 000 élèves quittent l'école sans aucune qualification ».

« L'attachement exclusif au modèle de la méritocratie scolaire affecte la fonction de l'école elle-même ». « Plus personne ou presque ne parle de la vocation éducative et culturelle de l'école. La fascination pour l'égalité des chances, associée à la déploration continue de l'incivilité et du niveau des élèves, finit par tenir lieu de politique scolaire ».

01/04 : conférence de François Dubet à Caen

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