Rapport du Sous-Préfet de Vire (14) , 9 février 1857
AD Calvados, série M Situation industrielle, 1856-1861
in Guy Bouillon L'industrie et la vie ouvrière dans le Calvados sous le Second Empire.
Service éducatif des AD du Calvados + CRDP de Caen 1969
Vire, le 9 février 1857
Monsieur le Préfet,
Vous m'avez fait l'honneur de m'informer par votre dépêche du 27 Janvier que S. M. l'Empereur a communiqué , en ce qui concerne la situation industrielle du département à M. le Ministre de l'agriculture et du commerce des informations dont il résulte que les chefs des établissements sont trop indifférents au bien être de leurs ouvriers et que leurs salaires sont insuffisants (1).
Le prix du salaire dans l'arrondissement de Vire, dont vous trouverez le tableau à la fin de ce rapport, semble fort minime et même insuffisant si on le considère d'une manière absolue ; mais pour bien l'apprécier il faut se rendre compte de la situation de l'ouvrier et du fabricant dans cette localité.
Presque toutes les fabriques alimentées par des cours d'eau sont situées où se trouvent les chutes et parsemées dans la campagne. L'ouvrier qui habite a pour sa nourriture les habitudes du cultivateur, il fait usage du sarrasin et se sert pour sa soupe de graisse de boeuf fondue au lieu de viande. Il consomme peu de viande. La plupart sont propriétaires ou locataires d'une maison à laquelle attient un jardin ou quelquefois un petit champ où ils cultivent des légumes.
Les denrées ont été il vrai fort chères dans l'arrondissement depuis quelques années, moins pourtant que dans les grands centres industriels et elles ont repris depuis quelques mois un taux convenable. Le cidre qui est la boisson de l'ouvrier n'a pas augmenté dans la même proportion que le vin. Au lieu d'avoir quintuplé de prix comme le vin, il n'a pas même doublé. Le litre de cidre qui en temps ordinaire vaut 10 centimes coûte en ce moment de 15 à 20 centimes.
On a établi dans la ville de Vire un fourneau économique qui donne du potage et des mets bien préparés à bas prix. La nourriture de l'ouvrier dans l'arrondissement de Vire coûte moitié moins que dans les environs d'Elbeuf et de Louviers.
Quant aux fabricants, ils ont dans l'éloignement où ils se trouvent de la mer, du chemin de fer, et des cours d'eau navigables à payer d'énormes frais de transports pour l'importation des matières premières qu'ils emploient et pour l'exportation de leurs produits.
Les fabricants ne pourraient pas supporter la concurrence des industriels placés au milieu du chemin de fer, des canaux et sur le bord de la mer si le bas prix du salaire ne venait compenser pour eux la cherté des matières premières.
Ce qui semblerait assez prouver que les salaires sont ici en rapport avec les besoins des ouvriers c'est qu'il n'y a jamais eu de discussions sérieuses entre eux et les fabricants à ce sujet.
Les prix les plus faibles de la main d'oeuvre sont ceux de la papeterie. Il est vrai que cette industrie n'a jamais de chômage et qu'une grande partie des ouvriers n'ont à faire qu'un travail de manoeuvre.
(1) Cette dernière phrase : « Les chefs des établissements sont trop indifférents » figure dans une note adressée au préfet du Calvados
par le ministre Rouher le 26 janvier 1857. Mise entre guillemets, elle est attribuée par Rouher à l'Empereur.
Prix de la journée d'ouvrier
Filature et tissage de coton
Hommes de 2 à 3 F
Femmes de 1 à 1,50 F
Jeunes 16-18 ans de 1 à 1,50 F
Enfants 0,75 F
La journée est de 12 heures de travail
Le sous-préfet était sans doute
Léopold Quénault 1856-1858 (ensuite en poste à Coutances 1870-1871)
Liste des sous-préfets de Vire (un adjectif en 1858 : Charles Mammes « impérialiste » ou « bonapartiste » ? )
http://www.calvados.gouv.fr/IMG/pdf/Liste_des_sous-prefets_de_Vire.pdf
La sous-préfecture de Vire à travers l’histoire
http://www.calvados.gouv.fr/IMG/pdf/La_sous-prefecture_a_travers_l_histoire.pdf
.