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1 mai 2017

Le 1er mai 1906

 

 

grandjouan-8heures

 Le 1er mai et les 8 heures vus par Grandjouan
L'assiette au beurre, 28.04.1906
Quand le crayon attaque, "Images satiriques et opinion publique en France", 1814-19186

 

La CGT décide au congrès de Bourges (1904) de lancer une grande campagne de propagande en faveur de la journée de huit heures. Grandjouan, dont les sympathies anarchistes sont très marquées, prête son talent à cette cause.

« Au premier plan, 3 jeunes femmes nues tiennent une guirlande de fleurs dans laquelle se déchire la revendication des 3*8. À l'arrière-plan, on devine la masse formée par une manifestation de travailleurs surmontée d'un arbre en fleurs.
Le premier plan est une allégorie, dont la réalisation mêle la tradition antique des 3 Parques qui déroulent le fil de la vie et des éléments iconiques propres au monde du travail. L'ouvrière-parque qui symbolise le travail tient dans sa main une pioche et porte une coiffe inspirée de celle des « caffues », ces ouvrières du Nord qui triaient le charbon. Le visage marque une expression de colère résolue.
La jeune fille du milieu est marquée par la jeunesse et l'insouciance propre au loisir ; celle de droite, les yeux baissés dans le repos, a la peau brune des femmes du peuple. À l'arrière-plan, d'une touche graphique discrète sont convoqués des instruments de travail et des fusils crosse en l'air.
L'habileté artistique de Grandjouan est d'avoir subtilement fondu par une esthétique inspirée de l'Art nouveau les deux plans de la composition. La chevelure des loisirs se confond avec les manifestants. Une femme à droite tient un flambeau qui se transforme en branche fleurie ».

cité par Claude Robinot pour Caricatures et caricature, 20.07.2007
http://www.caricaturesetcaricature.com/article-12529077.html

 

Pour Madeleine Rébérioux, après1900,  la grève est entrée dans l’horizon familier des prolétaires : un gréviste sur 16 ouvriers d’industrie en 1906, 270 000 grévistes et 4 millions de journées chômées en 1904, 485 000 grévistes en 1906. Aux revendications de salaire, toujours dominantes, aux grèves de colère ou de solidarité pour la réintégration d’un camarade s’ajoutent le combat pour faire réduire le temps consacré au travail.
Tous les syndicats bénéficient de la poussée des grèves.
Mais le patronat a appris à s’organiser (lock-out).
Ces conflits sont souvent payés par une misère effrayante : aux Forges d’Hennebont, d’avril à août 1906, 1800 ouvriers ne se nourrissent que de crabes et de pain (350 gr par jour et par famille au départ, 750 gr par famille et par semaine à la fin).

Pourquoi 1906 ?
La CGT, par une démarche volontariste, a décidé de faire cette année-là un 1er mai « pas comme les autres », de « canaliser tout effort syndical vers une seule revendication ». La journée de huit heures est choisie comme pôle du désir ouvrier : au temps du travail, à celui du repos s'accole, notion neuve pour la classe ouvrière de la grande industrie, celui du loisir. Un beau dessin de Grandjouan publié dans l'Assiette au beurre du 1er mai symbolise le rythme ternaire des jours futurs. Vivre ce n'est pas seulement survivre : cette espérance la CGT entreprend depuis son congrès de Bourges (1904) de la faire pénétrer dans la conscience de millions d'êtres humains.
   Journaux, affiches, tracts, six millions de papillons collés partout, brochures, meetings confédéraux dans 80 villes - sans parler des meetings fédéraux - la Confédération fait un gros effort. A la Bourse du travail de Paris, une immense banderole : à partir du 1er mai nous ne travaillerons plus que huit heures par jour. Cette formule est chargée de sens multiples : souhait ou espérance pour les plus modérés, décision derrière laquelle se profile la grève générale pour Pouget ou Dubéros, les premiers pères du 1er mai 1906, appel à la combativité pour le secrétaire général de la Confédération, Griffuelhes.
  Certes les médiocres résultats de la souscription, le refus de certaines fédérations - le textile -, les objectifs plus « raisonnables » fixés par d'autres - le livre - prouvent que le mythe n'a mobilisé ni toute la classe ouvrière ni même toute la CGT. Et pourtant à Paris beaucoup de vieux métiers sont en grève dès le mois d'avril. Un vaste mouvement de grève prolonge l'arrêt du 1er mai dans le bâtiment, dans l’ameublement, chez les typos, et chez ces travailleurs du XXe siècle, les hommes de la voiture et du métro. Bientôt ils sont rejoints par les métallos qualifiés. 48% des grèves de cette grande année font gerbe autour du 1er mai. Et le 13 juillet 1906 est votée la loi qui rend obligatoire le repos hebdomadaire. Même si la province a montré moins d'ardeur, le 1er mai 1906 a révélé des possibilités nouvelles.
La peur qu'il a inspirée, excitée par la campagne d'affolement de l'Écho de Paris et de la Libre Parole et dont témoignent les provisions accumulées par la bourgeoisie, les vaches et les lapins logés dans les écuries, voire les capitaux casés provisoirement en Belgique a été utilisée par Clemenceau, ministre de l’intérieur pour monter un complot « antirépublicain » commun à l’extrême droite et à l’extrême gauche : le 30 avril, un bonapartiste est arrêté en même temps que le secrétaire général et le trésorier de la CGT.
Cette grande peur est pourtant factice. en province les incidents sont limités à qq ports ; à Paris la campagne de presse n’est soutenue ni par les radicaux ni par les catholiques. La détestation de la CGT par Clemenceau durera par la suite. La cassure du Bloc des gauches est en route.

Madeleine Rébérioux, La République radicale 1898-1914, NHFC, Points Seuil 1975



huma-02051906


L'Humanité, Une, 2 mai 1906



huma01051906

voir aussi les journées précédentes,
la mobilisation des troupes par le gvt (Clemenceau ministre de l'Intérieur),
l'invention d'un complot et l'arrestation de Victor Griffuelhes
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb327877302/date1906

PS : le 13 juillet 1906, le parlement vote la loi qui rend obligatoire le repos hebdomadaire

En 1919, Clemenceau fait voter la loi des 8 heures
http://clioweb.canalblog.com/archives/2016/05/01/33744861.html



sur l'histoire du 1er mai,
un storify de Mathilde Larrère en 58 tweets
http://storify.com/LarrereMathilde/1er-mai-fete-des-travailleurs-et-des-travailleuses

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