Maurice Agulhon, les 2 Marianne
Marianne a le sein nu parce que c'est une allégorie !
réponse à un 1er ministre inculte
Mathilde Larrere, Twitter et Storify 29.08.2016
http://storify.com/LarrereMathilde/marianne-a-le-sein-nu-parce-que-c-est-une-allegori
La République ("sage"), Janet-Lange, 1848 musée Carnavalet.
http://www.carnavalet.paris.fr/fr/collections/la-republique
Marianne et le sein nu : une historienne épingle Valls pour sa tirade - Le Parisien 30.08.2016
http://www.leparisien.fr/politique/marianne-et-le-sein-nu-la-tirade-de-manuel-valls-fait-reagir-30-08-2016-6079473.php
Manuel Valls : Qui est la femme qui a donné une leçon d'histoire sur Marianne ? Le Figaro 30.08.2016
http://madame.lefigaro.fr/societe/marianne-au-sein-nu-qui-est-la-femme-qui-a-donne-une-lecon-dhist-300816-116085
- Maurice Agulhon, Marianne au combat. L'imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880.
CR Alain Corbin, Annales ESC 1979.
http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1979_num_34_6_294120_t1_1266_0000_001
extraits :
L’auteur de Marianne au combat prouve que l’analyse du discours figuré
est désormais indispensable à toute véritable à l’histoire politique du siècle dernier
Une longue tradition iconographique
C’est avec la Révolution qui la « grande femme drapée » entre dans la mémoire visuelle des Français. Elle incarne la Liberté et sa prééminence s’accentue de 1789 à 1792.
Au soir du 10 août 1792 quand il faut remplacer les emblèmes de l’Etat, l’image de la Liberté devient officielle mais demeure ambiguë (image populaire de la jeune sauvageonne ou allégorie de la puissance sereine)
C’est entre 1830 et 1849 que se dessine puis se précise et se fige presque l’image ou plutôt deux images de la République.
Au cours de année 1848 la division symbolique s’accomplit et déjà rivalisent les deux images qui auront à s’affronter après Sedan : l’une l’emporte dans la rue et
sur la scène des théâtres ; l’autre dans les concours officiels. La dualité de l’iconographie n’est en fait que le reflet de l’ambiguïté de la Seconde République. Mais très vite l’allégorie calculée l’emporte sur la véhémence spontanée. La République sereine assise sur un trône, sévèrement drapée, le front ceint d’olivier ou casqué de rayons solaires, armée du glaive et entourée, en un inextricable fatras, des emblèmes de l’égalité du travail ou de la légalité - le niveau, la ruche, l’urne, la Constitution - symbolise avec calme l’ordre et le progrès. Dès l’été 1848 donc elle a relégué dans les caves des musées la jeune République des barricades qui, le sein nu et le genou découvert sous sa jupe courte, coiffée du bonnet phrygien et entourée du coq, du chat ou du lion, brandissait une pique un drapeau ou une torche.
Après l’élection de LN Bonaparte, l’image officielle elle-même s’étiole : on dépolitise le décor : la France remplace la République. Pour les républicains, Marianne est valorisée : elle désigne tout la fois la République et la société secrète qui prépare sa venue.
Après l’éclipse qui correspond à la mariolâtrie du Second Empire, la Commune n’innovera pas. Dans le Paris du printemps 1871, de belles jeunes filles, ceintes d’écharpes rouges, plantent à nouveau des drapeaux aux couleurs sanglantes. Le folklore bégaie. La véritable novation s’inaugure en plein Ordre moral : les Mariannes se multiplient dans les départements du Midi malgré l’hostilité des autorités. Elles entrent même dans les mairies radicales. En fait la Marianne qui prend le pouvoir entre 1876 et 1880 est une République sage, sans bonnet phrygien, dessinée sur le modèle de 1849
- Marianne vue par Maurice Agulhon, entretien, revue Terrain 1990
http://terrain.revues.org/2986
« Dans Marianne au pouvoir, j'insiste sur l'irréductible polysémie qui affecte aussi bien l'image d'une femme en bonnet phrygien que le nom de Marianne ; cette image et ce nom sont constamment tiraillés entre l'acception originelle, en l'occurrence l'État français en République, et les acceptions dérivées : révolution sociale et populaire d'un côté, France en tant que nation et patrie, y compris guerrière, de l'autre. »
« Il y a eu des époques où l'on respectait des codes de représentation : la Vérité était une femme nue avec un miroir, la Justice tenait une balance, la Liberté portait un bonnet phrygien, la ville était représentée par une couronne de tours, etc. Rien de tel pour la République, parce qu'elle n'est pas une vertu abstraite et ne figure pas dans le traité d'iconologie de Cesare Ripa. La République française s'est dotée de ses attributs en les empruntant à la Liberté selon un processus complexe qui n'a jamais été complètement codifié ».
[une version nationaliste voire chauvine fait de Marianne une guerrière,
du fait de la volonté de Revanche sur 1870 et de la guerrre franco-allemande en 1914-1918]
Migration des symboles, la Marianne et la Gorgone (mairie de Pertuis), Louis Marin
in Marianne, image féminine de la République, CCF Turin 1989
Marianne, la féminité, Raison et guerre Athena Promachos
http://www.louismarin.fr/ressources_lm/pdfs/Marianne.pdf
3 ouvrages de Maurice Agulhon,
- Marianne au combat
- Marianne au pouvoir
- Les métamorphoses de Marianne
synthèse par Anne-Marie Sohn pour les RVH Blois 2004
http://hist-geo.ac-rouen.fr/doc/bls/2004/index.htm
- La Révolution, la Liberté, Marianne, la République
L'Histoire par l'image + Wikipedia
La Vérité amène la République et l’Abondance, par Nicolas de Courteille, 1793, tableau conservé au musée de la Révolution française de Vizille,
à gauche, une République-Liberté tient un faisceau de licteur surmonté d’un bonnet phrygien, rouge.
http://www.histoire-image.org/etudes/republique
Figure allégorique de la République, 1795
Antoine-Jean GROS (1771 - 1835)
La République, solide figure de jeune femme, est entourée de cinq attributs : la pique surmontée du bonnet phrygien, symbole de la Liberté, le niveau, symbole d’égalité, posé sur un faisceau de licteur entouré de feuilles de chêne (l’union et la force). Elle porte une tunique courte, à l’antique, qui lui laisse un sein découvert, et son casque guerrier est là pour rappeler les anciennes allégories de Rome comme pour figurer la nation en armes
http://www.histoire-image.org/etudes/symbole-premiere-republique
cf. 1831 : La Liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix 1831
http://www.histoire-image.org/etudes/liberte-guidant-peuple-eugene-delacroix
1848 - République - L'histoire par l'image
La République. Armand Cambon (1819 - 1885). La République. Honoré Daumier (1808 - 1879). Timbre-poste, République. Jacques-Jean Barre.
http://www.histoire-image.org/etudes/figures-symboliques-iie-republique
Le concours d'octobre 1848 sera un échec. Le jury renonce à choisir parmi les vingt œuvres retenues.
L’histoire de l’art sera tout aussi sévère. La postérité ne retiendra que La République de Daumier dans son panthéon des chefs-d’œuvre. L’esquisse entre dans les collections nationales en 1906 et est conservée aujourd’hui au musée d’Orsay. Quant à la République au bonnet phrygien, elle demeure la propriété des républicains convaincus, dans l’opposition à partir de 1849 ; avant d’être pourchassés après le coup d’État du 2 décembre 1851.
Le retour de la République en 1870 permettra l’épanouissement de la symbolique républicaine. Marianne s’impose comme l’allégorie de la République, et bientôt de la France
La République de Cambon brandit des mains serrées, symboles de concorde, au-dessus des tables de la Constitution, surmontées du triangle égalitaire. L’arc-en-ciel est un symbole de fraternité. La ruche, également symbole de fraternité et de travail, est complétée par la force du lion. Le drapeau tricolore permet d’identifier la République française.
La République de Daumier, forte femme aux seins lourds, nourrit, abrite, protège et instruit ses enfants. L'esquisse n'a pas donné de tableau.
Allégorie de la République de 1848 - musée du Nouveau Monde, la Rochelle
http://www.alienor.org/collections-des-musees/fiche-objet-29704-allegorie-de-la-republique-de-1848
Sébastien Cornu, La République, Besançon 1848
http://dnbhistoiredesarts.wordpress.com/2012/05/01/sébastien-melchior-cornu/
- Marianne au pouvoir
Le monument à la gloire de la République, Léopold et Charles Morice, 1883
http://fr.wikipedia.org/wiki/Monument_à_la_République
Agulhon : « La République érigée en 1883 à Paris sur la place du même nom peut être lue de deux façons. Elle a été sur le moment considérée comme très à gauche puisqu'elle portait, comme l'avait exigé le Conseil municipal de Paris, alors radical (c'est-à-dire plus à gauche que les gouvernements opportunistes de l'époque), un bonnet phrygien, au risque d'avoir l'air d'une référence à la Commune. Aujourd'hui, on est plutôt sensible à sa posture tranquille, immobile, droite, et au fait qu'elle exprime, en tenant à la main non pas une arme, mais un rameau d'olivier, la fin de l'ère des révolutions, des coups d'État, des restaurations, la fin de l'ère des guerres civiles ».
Projet d’Emile Peynot pour l’exposition universelle de 1889, puis pour la ville de Lyon (1892), en partie à cause du lion
http://fr.wikipedia.org/wiki/Allégorie_de_la_République
http://bernard-richard-histoire.com/2014/09/24/marianne-representation-feminine-de-la-republique-en-france/
Le triomphe de la République, place de la Nation Jules Dalou 1899
WGA : The Triumph of the Republic shows a symbolical figure of the Republic, aloft on her car,
drawn by lions led by Liberty, attended by Labour and Justice, and followed by Abundance.
http://www.wga.hu/art/d/dalou/triumph.jpg
http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Triomphe_de_la_République
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