Enseigner l’histoire en primaire et en collège, Forum du CSP, 3 juin 2015
Table ronde 2 : Pourquoi enseigner (aussi) l’histoire mondiale ?

http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-enseigner-l%E2%80%99histoire-dans-les-cycles-de-la-scolarite-obligatoire-

Intervention de Christian Grataloup
Nous sommes dans le Monde, on ne peut l'oublier, même si certains voudraient le tenir à distance

Un préambule : je ne suis pas sûr d'être légitime. Pas parce que je suis géographe, mais parce que je suis un universitaire, pas parce que je ne suis pas dans le secondaire, j’ai beaucoup enseigné et formé d’enseignants. Les programmes, c’est une question qui concerne toute la société, pas seulement les enseignants.

Ensuite, je suis gêné de participer à un débat disciplinaire. Les programmes concernent les cycles 2, 3, 4. La question est trop tirée vers le secondaire, où les enseignants sont bien formés pour travailler dans les premières et terminales de la voie générale, c’est à dire 1/3 d’une classe d’âge. Ne pas oublier les 200 000 jeunes qui sortent sans diplôme chaque année.
Je suis bon pour le goudron et les plumes :-).
Les universitaires historiens sont les moins bien placés pour parler d’histoire scolaire. Pratiquement, le seul débouché professionnel identifié pour leurs étudiants, c'est le Capes et le secondaire. On a tendance à vouloir piloter les programmes, ceux des concours ou ceux de l’Ecole, en fonction de ce qu'on a envie de faire à l'université et d'y mener comme recherche.
En maths en physique, en biologie, l’enseignement n’est pas un enjeu à l’université, ou seulement à la marge. En histoire, c’est un problème existentiel, cela conditionne le nombre des étudiants et les postes. En géographie, depuis 30 ans, les étudiants trouvent des débouchés ailleurs ; ils ne deviennent plus enseignants, sauf dans quelques universités ringardes ou pour quelques passionnés.
En histoire, il faut donc suspecter tout discours universitaire sur le versant scolaire de la discipline.

Ce qui concerne le géographe, c’est le Monde, la pensée du Monde, l’habitude de se confronter au planisphère.
Cela marginalise « les histoires égoïstes », y compris « le roman européen », à la suite du « roman national ».
Jacques Lévy : « Le monde n’a pas d’ennemi héréditaire, mais le monde a de sacrés problèmes ».
Il faut former à une réflexion qui ne parte pas du big bang mais au moins du néolithique. Il faut étudier l’exploitation de la planète, les traces laissées par les hommes... Ne pas se contenter de l’évoquer de temps en temps, mais en faire un problème historique majeur.

CG est d’accord avec Pierre Nora : la démographie est essentielle ; 500 M au XVIe, 1 Md au début du XIXe, 2 Mds en 1930, plus de 7 aujourd'hui. On le dit et puis on oublie. Cela doit être une base continue pour penser l’humanité sur terre.

CG propose d’utiliser les cours de géographie pour faire de l’histoire (!). Il veut exploiter le trait d'union, et concevoir un seul programme. Le meilleur programme de géo, c’est se demander où sont les choses, les localiser, expliquer leur localisation. L’identité pour un géographe, cela s’appelle le territoire. C’est une notion à construire en permanence.

Prendre Histoire et géographie ensemble, cela évitera de se querelles sur les découpages entre disciplines. Cela habituera à penser globalement à des choses d'échelle mondiale, y compris la cartographie, la représentation et tous les implicites mentaux dans la figuration du monde.

Faut-il faire sauter barrière HG ?
Un élève de 6eme a entre 8 et 10 enseignants ; chacun se défausse sur les autres, en affirmant : je ne suis pas « un éducateur » (un animateur ?). Chacun ici défend le disciplinaire qui fonde son identité professionnelle.

Je suis pour la réforme, je pense qu'elle ne va pas assez loin, mais il faut faire avec les acteurs que nous avons. Ce qui nous unit, c’est le disciplinaire (cf. le latin) alors qu’il faudrait prendre en compte le processus global de l’élève global. Il faut faire du transdisciplinaire dans notre domaine (cf. l'instruction civique, il n’y a pas assez d'initiation au juridique). Le faire avec le prof de SVT, ou le prof d’EPS.

Je crois beaucoup au métier. Je suis cartographe. On peut former l’esprit critique en étudiant une charte médiévale ou un texte du XVIIIe. Mais former l’esprit critique, en l'appliquant à Internet, Wikipedia, les médias sociaux, c'est préférable...
Voilà un sacré terrain pour que les historiens mettent en œuvre leur métier.

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