des revues de SHS gratuites ?
Les revues de Sciences Humaines et Sociales peuvent-elles se permettre d’être gratuites ?
France-Culture - La grande table, 15.04.2013
http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-1ere-partie
Lundi dernier, La grande table débattait des réactions à une recommandation de la Commission européenne
relative à l'accès aux informations scientifiques et à leur conservation (17.07.2012).
Invités :
Antonio A. Casilli, sociologue
André Gunthert, chercheur en histoire culturelle
Mathieu Potte-Bonneville, philosophe
extraits :
André Gunthert : Longtemps, en SHS, le savoir a circulé par l’édition de livres. Récemment, il y a eu deux changements : la numérisation, l’évaluation chiffrée à partir du nombre d’articles.... « les revues sont devenues d’un coup un outil essentiel du système mais on ne leur a pas donné plus de moyens. Une revue savante ne coûte pas très cher, elle repose surtout sur du bénévolat. Les auteurs ne sont pas payés. Le comité de rédaction n’est pas payé. L’évaluation des articles, la clé du système, n’est pas payée non plus... Donc, c’est du bricolage et cette activité n’est pas réellement intégrée au périmètre de la recherche publique ».
Dans ce paysage, trois types d’acteurs ont des intérêts différents et des contraintes différentes :
- Les mastodontes de l’édition scientifique, Elsevier et Springer en Europe, sont surtout concernés par les sciences de la nature. Leur situation d’exclusivité leur permet de facturer lourdement les abonnements payés par les BU. Ces acteurs privés deviennent richissimes en parasitant la recherche publique et son financement.
- En face, l’Open Access se développe ; c’est un mouvement militant qui combat la tendance à la marchandisation de la science. Il s’appuie sur internet pour deux formes principales : l’Open Edition et les archives ouvertes
- Les revues papier se sont mises à l’électronique ces 10 dernières années. En février, elles ont refusé les préconisations de la commission européenne et du MESR. Elles ont besoin d’argent pour payer l’impression ; elles ont imposé un embargo qui peut fermer l’accès aux articles pendant un an (parfois 5 ans). Elles s’opposent à toute publication complémentaire des chercheurs sur leurs blogs. http://www.openaccess-shs.info/motion/
Les tenants de l’Open Access ont répondu à Cairn dans une tribune. Il ne faut pas négliger la question des moyens : l’Open ne doit pas servir à masquer une réduction accrue des crédits publics en faveur de la recherche.
http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/03/15/qui-a-peur-de-l-open-acces_1848930_1650684.html
Quand l’Etat n’assume plus son rôle, celui du financement de la recherche publique, l’auteur subit une triple dépossession : il ne reçoit aucun salaire pour son article, on lui demande de signer une cession de droits, et on lui interdit d’en diffuser des copies sur un blog ou une archive ouverte. Ce système fermé incite certains universitaires à développer des plates-formes comme Culture visuelle, et à se poser la question du choix du support de publication.
A. Casili décrit l’opposition aux USA entre les industriels de l’édition ( un CA de 65 Mds de $, une marge de 36 %, bien supérieure aux 8 % de Coca) et des scientifiques dont le travail n’est ni reconnu ni payé.
Il évoque le changement de temporalité : l’évaluation d’un article se fait surtout à postériori, par les commentaires qui suivent sa mise en ligne. Il évoque aussi la dérive du Gold, quand l’Open Edition est exploité par des marchands peu scrupuleux.
Mathieu Potte-Bonneville : « C’est un changement épistémologique. C’est un changement dans la considération-même de la valeur des travaux. […] Toucher à la circulation des textes est toucher à une économie de la véritée ».
Il décrit le Collège international de philo, et vante Intersections, l’ouvrage réalisé pour les trente ans du collège, un ouvrage disponible gratuitement en ligne (en pdf) mais en accès payant chez Apple.
http://30ansciph.org/spip.php?rubrique5#
vers la 18e : dans un extrait enregistré lors de l'AG de l'Open Edition, Claire Lemercier décrit la situation à Sciences Po : un chercheur n’a pas accès à toutes les revues (Cairn, Elsevier). Selon elle, si l'on ne veut pas que seuls des historiens lisent les historiens, alors il faut chercher des solutions pour étendre le cercle des lecteurs. Elle plaide en faveur d’un élargissement du public , celui des étudiants, des chercheurs à l’étranger, des enseignants du secondaire... Elle voit dans le libre accès immédiat le seul moyen de toucher ce grand public cultivé tant cherché par certains éditeurs.
AG de l’OpenEdition, le 26 mars 2013 à l’Institut de Géographie
http://leo.hypotheses.org/10552
Les interventions en audio
http://speakingofscience.docteo.net/2013/03/27/open-access-en-shs-lintendance-suivra/
PS : Cairn sait vendre à la découpe une revue.
Une illustration du tarif pratiqué par cette plate-forme :
Historicités du 20e siècle, le numéro spécial de Vingtième siècle est vendu 19 euros par Amazon.
Chez Cairn.info, 22 articles sont payants, à 5 euros l'un.
Soit un total de 110 euros pour l'ensemble du numéro !!
Le numérique ne devrait-il pas aider à réduire les coûts d'accès ? Les commerciaux ne connaîtraient-ils pas la longue traîne, et la possibilité de gagner davantage en acceptant de pratiquer des petits prix ? Pourquoi préfèrent-ils imposer des péages prohibitifs (qui sont une véritable incitation à la photocopie) ?
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