La Rafle du Vel' d'Hiv'
- La Rafle du Vél’ d’Hiv’
Le discours prononcé par Raphaël Esrail, Président de l’Union des Déportés d’Auschwitz le 22 juillet 2012.
Texte mis en ligne par Nicole Mullier sur le site du Cercle d'étude de la déportation et de la Shoah. (source Nicole) http://www.cercleshoah.org/spip.php?article227
- d'autres articles à consulter sur le site du Cercle
- La brochure d'Adam Rayski, Il y a soixante ans la rafle du Vélodrome d’hiver : le peuple de Paris solidaire des Juifs, préface, Bertrand Delanoë, éd. Mairie de Paris, 2002, 79 p.
A télécharger :
http://itinerairesdecitoyennete.org/journees/27_jan/documents/veldiv_paris.pdf
- Une vidéo sur le site du Monde :
A l'occasion de la commémoration de la rafle du Vél' d'Hiv, dimanche 22 juillet, Le Monde.fr est allé à la rencontre de Samuel Adoner, dit Milo.
"Un survivant des camps : « Nous avons été pris, papa, maman et mes six frères et sœurs. Je suis rentré tout seul'.
En trois ans, il a survécu aux camps de Cosel (Pologne), Niederkirch, Blechhammer, Auschwitz-Birkenau et Buchenwald ». http://www.lemonde.fr/societe/video/2012/07/22/un-survivant
Une copie du texte :
« Il y a 70 ans, l’Allemagne nazie, à la suite à la conférence de Wannsee, mettait en œuvre un programme méthodique d’élimination des Juifs d’Europe. En France, en cette seule terrible année 1942, près de 43 000 Juifs, en grande partie d’origine étrangère, furent déportés.
A Paris et dans sa région, la grande Rafle des 16 et 17 juillet, menée par la police française, concerna près de 13 000 Juifs ; parmi eux, 4 000 enfants, déportés et tous assassinés par le gaz, en août 1942, à Birkenau. On le sait, à ce programme d’assassinat, le gouvernement de Vichy apporta son aide zélée.
Déportés à Birkenau, nous avons été les témoins de ce crime de masse, perpétré par les nazis de 1942 à 1944. Aujourd’hui, notre douleur et notre colère demeurent aussi vives. Il est impossible d’imaginer que l’État Français n’ait pas eu connaissance, pendant tout le temps de cette guerre, du sort réservé aux Juifs pour qui Birkenau fut la fin du voyage. Ce lieu, s’il est resté longtemps un angle mort de notre conscience européenne, incarne aujourd’hui ce génocide en ses multiples dimensions.
Tout au long de ces dernières décennies, nos voix de rescapés se sont assemblées pour porter témoignage au monde de ce que fut Auschwitz-Birkenau. La mémoire fut un long chemin. Un immense effort a été consenti par les survivants pour dire aux autres hommes ce que fut la Shoah, témoignage qui a influencé la pensée occidentale tant sur les plans philosophique que politique.
Au fil des ans, nous avons conçu le témoignage comme un devoir à la fois envers les morts et envers la communauté des vivants dans un souci d’éducation et de formation, particulièrement des enseignants et des élèves. Quelques-uns de mes camarades, je songe à Henry Bulawko, récemment disparu, furent les précurseurs de ce travail de mémoire. Dès leur retour des camps, ils s’engagèrent dans ce combat pour la mémoire de la Shoah. Ils sont à l’origine de l’instauration des principales commémorations : de Pithiviers, de Beaune la Rolande, de Drancy et de celle qui nous rassemble ici, en ce jour, instituée dès 1946.
Je tiens à mettre l’accent sur le fait que, pour les déportés juifs survivants, ce combat fut âpre et de longue haleine. Il ne faut pas oublier qu’après la guerre et ce, dans un souci de réconciliation des Français, l’épisode de la déportation et de l’extermination des Juifs de France demeura dans l’ombre.
A partir du début des années 1990, une nouvelle inflexion fut donnée au traitement de ce tragique épisode de notre histoire. En 1993, le président François Mitterrand institua une « Journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites » commises par le « Gouvernement de l’Etat français ». C’est ensuite le président Jacques Chirac qui, en 1995, reconnut la responsabilité de la France, reconnaissance qui contribua à une manière d’apaisement de nos cœurs.
Depuis quelques années, les institutions citoyennes ont souvent été à l’avant-garde de la mise en valeur de la mémoire du génocide. C’est l’occasion pour moi de rendre ici hommage au travail considérable mené par la Mairie de Paris. Merci à vous Monsieur le Maire dont je salue l’engagement. Merci à vos équipes.
La fin de l’ère des témoins est proche. Pour nous, les survivants, mais aussi pour toutes les institutions qui ont contribué, elles aussi, à tracer ce chemin de mémoire, l’entreprise est cependant loin d’être arrivée à son terme.
La Rafle s’inscrit certes dans l’histoire nationale mais également dans le cadre européen. Anciens déportés, nous souhaiterions que la question du futur de Birkenau, ce lieu dont Vichy ne voulait surtout pas se préoccuper, fasse aujourd’hui l’objet d’une réflexion ouverte. Forts de cette conviction, nous avons alors envisagé que les milliers d’enregistrements de nos témoignages puissent continuer à relayer notre parole de survivants des camps de la mort. Nous proposons que ce patrimoine mémoriel exceptionnel soit offert en partage aux visiteurs de Birkenau. Il s’agit pour nous de rester présents à Birkenau, là où la mort attendait les Juifs d’Europe.
Certes, le lieu impose silence et recueillement à ses visiteurs, mais si l’on veut que leur méditation ne soit pas seulement peuplée de fantômes, la parole enregistrée des témoins, leurs voix, doivent être entendues et leurs visages vus, leurs textes connus, précisément là où ils subirent leur martyr.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour évoquer le sort tragique de tous ces hommes, femmes et enfants qu’a scellé la trahison, par les autorités de tous rangs, des idéaux de la civilisation qu’elles ont d’ordinaire le devoir de faire respecter.
Nous sommes aussi réunis pour qu’à l’implacable cruauté ne succède jamais, si cela se peut, l’inexorable oubli ou la fatale banalisation. Notre combat, car il s’agit bien toujours d’un combat pour la mémoire, dépasse nos frontières. Il a besoin de l’aide des pouvoirs publics, de la France tout autant que de l’Europe, pour que demain, le chœur de nos voix, si singulières, puisse se faire entendre, bien au-delà du terme de nos existences ».
Raphaël Esrail, Président de l’Union des Déportés d’Auschwitz