Des sciences sociales au lycée
Au lycée, (il faut) des sciences sociales pour former les citoyens - Le Monde opinions 13.07.2012
extraits :
« ... les choix opérés lors de la dernière réforme du lycée sont une nouvelle fois particulièrement révélateurs : inflation des notions et que les élèves sont censés maîtriser, priorité donnée à l'exposé de prétendus fondamentaux au détriment de l'étude des questions de société, cloisonnement rigide entre l'économie et les autres sciences sociales.
Or, les SES ont construit leur réussite sur les principes inverses : sélectionner un nombre limité d'objets d'études (l'entreprise, l'Etat, la culture, la famille, ...), et initier les élèves à leur observation raisonnée grâce aux concepts et méthodes des sciences sociales dont il convient justement de confronter les regards. Car c'est en partant des élèves tels qu'ils sont réellement que l'on peut leur permettre de progresser.
Il faut donc prendre au sérieux leurs représentations, leurs interrogations et leur appétence.
Ce n'est pas en proposant des programmes encyclopédiques que l'on permet à tous les profils d'élèves d'avoir le temps de développer leur curiosité et de s'engager dans des apprentissages et une réflexion véritables... »
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/13/au-lycee-des-sciences-sociales
Les profs de SES ont eu à combattre des attaques frontales : des programmes cloisonnant économie (classique) et sciences sociales, des campagnes de stigmatisation d'une certaine droite.
Sur le site de l'APSES, deux exemples de ce combat :
- L'APSES demande un moratoire sur les nouvelles épreuves du bac 2013. http://www.apses.org/initiatives-actions/communiques-et-courriers/article/nouvelles-epreuves-du-baccalaureat
- La dernière offensive du ministre précédent consistait à vouloir fusionner deux disciplines, les SES et les PFEG (principes fondamentaux de l'économie et de la gestion), les sciences économiques et sociales et la gestion. Il espérait faire coup double : supprimer encore plus de postes de profs, réduire le recrutement d'une discipline trop peu docile au gré d'un certain patronat.
http://www.apses.org/debats-enjeux/ses-et-serie-es-dans-les-media/article/cme-le-refus-du-cse-revue-de
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Une France sans profs ?
La France doit investir dans ses enseignants
éditorial du journal Le Monde 12.07.2012
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/12/la-france-doit-investir-dans-ses-enseignants_1732684_3232.html
Une France sans "profs" ? L'image étonne, pour ne pas dire qu'elle révolte. Dans un pays qui depuis 1870 a très largement été fait par les enseignants du primaire et du secondaire, on ne trouverait plus de professeurs ? Dans un pays où le taux de chômage des jeunes dépasse les 22 % de la population active, on manque de candidats au métier d'enseignant ? Dans un pays où la salle de classe a été sacralisée par la littérature et la mythologie nationale, il y aurait une crise des vocations ?
Publiés cette semaine, les résultats 2012 du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du deuxième degré, ou Capes, sont sans appel. Il y avait peu de places ouvertes cette année : 4 847 postes à pourvoir. Près de 15 % sont restés vacants. Pas de candidats. Si l'on veut être optimiste, on relèvera que 2011 a été pire : 20 % de taux de vacance.
La profession n'attire plus. C'est triste en soi. Cela a des conséquences plus graves. La rareté des candidatures oblige à recruter plus large : il faut mettre des professeurs en face des élèves. On s'efforce de maintenir le niveau du professorat, certes. Mais enfin, les critères de sélection sont assouplis : le niveau baisse - dans la France de 2012 qui se goberge de grands discours sur l'économie du savoir.
Pourquoi cette désaffection ? C'est l'histoire d'une faillite collective, où la gauche n'a pas fait mieux que la droite, l'Etat que la "société civile", les enseignants que les parents.
Sans entrer dans les raisons profondes de cette évolution, on notera que le métier de professeur a perdu de son attractivité, comme diraient les économistes : statut social et rémunération effondrés. Un enseignant "bac + 5" débute sa carrière à 1 580 euros mensuels ; dix ans plus tard, il empochera à peine 1 900 euros.
Ce sont des salaires inférieurs à la moyenne de l'OCDE (Amérique du Nord, Japon, Europe). La France sous-paye ses enseignants. Quand on sait qu'elle est l'un des pays d'Europe qui consacre le plus de fonds publics par tête d'élève du secondaire, on imagine un gros "bug" - des crédits éparpillés n'importe comment dans une invraisemblable palette d'"options" d'études qui font qu'on peut passer le bac en cinquante langues, à l'heure où le niveau en français ne cesse de baisser !
Autre originalité française : on envoie les tout jeunes enseignants, ceux qui par définition ont le moins d'expérience, dans les écoles les plus difficiles. En Chine, la région de Shanghaï tente avec succès l'expérience inverse : les professeurs les plus compétents et les plus expérimentés sont affectés aux quartiers les moins favorisés.
François Hollande a raison de vouloir muscler l'encadrement général de nos établissements. Nicolas Sarkozy n'avait pas tort de vouloir des professeurs peut-être moins nombreux mais mieux payés. Evitons les approches simplistes. Il faut des professeurs bien formés, payés et considérés. Cela ne relève pas de la dépense publique, mais de l'investissement dans l'avenir. C'est une question morale autant que stratégique.