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Clioweb, le blog
20 juin 2012

Froisser la frise du temps

 
Patrick Boucheron : Apologie pour une histoire inquiète


Entretien en 3 temps
sur le site http://www.nonfiction.fr/ :
1 - L'urbain et le politique (1/3)
http://www.nonfiction.fr/boucheron-13
2 - Espace, temps, identités : continuités historiques et entretemps (2/3)
http://www.nonfiction.fr/boucheron-23
3 - Histoire, arts, littérature (3/3) - à paraître le 26 juin 2012


Extraits :
L'urbain et le politique (1/3)

«  Il n’est pas simple par exemple, dans la pratique enseignante, de s’opposer à une tradition romantique retravaillée par l’historiographie libérale puis marxiste qui instaure une coupure entre l’histoire de la ville et l’histoire rurale. Marc Bloch disait par exemple qu’au troisième siècle de notre ère, l’érection des murailles isolant la civitas (désignant désormais la cité fortifiée seulement) de ses campagnes séparait l’Antiquité du Moyen Âge. Evidemment, dans cette perspective, faire l’histoire des villes au Moyen Age, ce n’est pas tout-à-fait faire de l’histoire du Moyen Age : c’est faire l’histoire d’un lieu qui s’en extrait, où s’inventerait quelque chose de nouveau. Je n’y crois pas, mais il faut bien reconnaître que cette idée est tenace. Elle est en tout cas fortement enracinée, y compris dans l’enseignement supérieur où il faut expliquer aux étudiants qu’une des spécificités du Moyen Age qu’ils imaginent souvent comme rural et chevaleresque, c’est d’avoir été le grand moment de création des villes et d’invention d’une grande civilisation urbaine, même si elle reposait sur des bases fondamentalement différentes de celles de la cité antique. En quoi l’étaient-elle ? Précisément dans l’indistinction des grandes catégories de l’économique, du politique, du religieux, etc. dont vous parlez. C’est cela, fondamentalement, qui change. Ce qu’on appelle le Moyen Age est aussi le moment où toutes ces catégories n’ont pas le sens séparé qu’on leur donne aujourd’hui ».

... ce qui reste aujourd’hui des communes italiennes … c’est le centrovico monumental.. « Mais paradoxalement, ce qui caractérise le pouvoir communal italien est presque l’inverse de ce qui se donne à voir aujourd’hui de son héritage édilitaire. C’est la dissémination du pouvoir. Un pouvoir qui n’est pas du tout polarisé mais fondamentalement polycentrique … »


Espace, temps, identités : continuités historiques et entretemps (2/3)

« … les Francs de Clovis portent le nom des Francs du IIIe siècle, mais ne sont pas nécessairement en continuité ni biologique ni territoriale avec eux. Il y a dans l’histoire des peuples barbares une appropriation des noms de peuples qui ne suit pas nécessairement les parcours ou les invasions, et donc qui n’implique pas d’héritage ou de migrations. L’histoire fléchée, celle de nos cartes scolaires qui sont zébrées de part en part et que je décris dans L’entretemps, est une manière de dessiner des continuités là où il n’y en a pas. D’où l’attention aux plis, aux discontinuités… L’historien n’est pas là pour jardiner le petit lopin des racines et des identités. Il doit au contraire trancher, creuser, et montrer qu’au cœur de nos vies travaillent des discontinuités, des plis, des inquiétudes… »


Froisser la frise du temps :  « Cela veut dire, simplement, refuser une histoire orientée d’une seule manière irréversible, dans laquelle Rome succède à Athènes, puis les nouvelles Rome à Rome, mais où tous les chemins mènent à Rome (quel proverbe hideux, quand on y songe) et où l’histoire file en abandonnant derrière elle les espaces qui ont simplement connu leur quart d’heure de célébrité warholienne, et sur lesquels on ne reviendra pas. Athènes, dans les manuels scolaires, n’existe qu’au temps de Périclès, d’abord comme un présage, et après comme un remords. Mais Athènes, c’est toujours intéressant, à chaque époque, même aux moments faibles, y compris aujourd’hui : on voit que la manière dont les Grecs tentent d’affronter la crise économique et politique terrible qu’ils subissent est certes travaillée par l’héritage fantasmé de la Grèce ancienne, mais aussi, et surtout, par l’histoire de l’inachèvement de l’État au XIXe siècle ».

Lire enfin la distinction  entre la grammaire des civilisations selon Braudel et les histoires connectées, une histoire en devenir qui suscite de l’envie dans le grand public (Subrahmanyam, Brook, Bertrand)

La 3eme partie sera à lire en ligne le 26 juin

boucheron

Patrick Boucheron
source : Fayard, éditeur de l'Histoire du monde au XVe siècle - 2009


Cet entretien fait partie d'une double série consacrée à l'histoire :

(1ère série) L’histoire publique – L’enjeu de la mémoire
http://www.nonfiction.fr/lhistoire_maintenant

1.    Figures historiques, événements mémorables : entretien avec François Dosse
2.    "L’histoire est une matière d’endoctrinement" : entretien avec Olivier Lévy-Dumoulin
3.    Une historienne dans la cité : entretien avec Annette Wieviorka
4.    Les usages publics du passé en perspectives : entretien avec Sabina Loriga, Isabelle Ullern et Olivier Abel,
5.    Mille ans de mémoires : entretien avec Nicolas Offenstadt (1)

(2e série) Histoire : Épistémologie
http://www.nonfiction.fr/histoire__epistemologie

1.    Questionner, dialoguer, faire de l’histoire : entretien avec Nicolas Offenstadt (2)
2.    Le murmure des sans voix : entretien avec Arlette Farge
3.    Apologie pour une histoire inquiète : entretien avec Patrick Boucheron


Wikipedia liste les publications de Patrick Boucheron : http://fr.wikipedia.org/wiki/Patrick_Boucheron
Les liens guident vers un entretien publié par Histoire pour tous

La page de Paris I n'indique que les textes en accès ouvert, et utilise une syntaxe bien compliquée.


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