Manuels de Geo 1ere
>> « La faiblesse consternante des manuels » … [dont les auteurs] « trahissent non seulement l'esprit du programme …mais aussi, et c'est plus grave, la géographie elle-même ».
Un message précédent (Chance ou occasion manquée) a questionné ce jugement péremptoire, contestable et contesté.
D’expérience, nous savons que les manuels pris dans leur ensemble sont une base documentaire importante et un support de travail très utile en classe.
De plus, sans ces manuels, beaucoup de didacticiens seraient au chômage. :-):-)
[ Ce qui suit est une réflexion d’ensemble qui évite de mettre en cause un éditeur précis].
Les manuels sont avant tout des objets commerciaux : ils doivent séduire les équipes de profs, mais ils sont parfois choisis par défaut, faute de consensus ; ils devraient être élaborés pour être à la portée des élèves d’aujourd’hui (beaucoup savent lire et ne se contentent pas de zapper sur l’écran d’un téléphone).
Dans ces manuels de 2011, l’ouverture vers le numérique est réelle : globes virtuels, sites web (Eurotunnel ou Wikipedia) … Mais les choix ne sont pas tjs les plus judicieux : le Géoportail est un passage obligé, même lorsque Google Earth fait mieux ; drawmeagraph sert pour l’Europe à 27, mais Géoclip qui est beaucoup plus efficace est ignoré.
Dans l’un d’eux, une double page cherche à attirer l’attention sur la géographie des réseaux sociaux (une bonne occasion d’ouvrir la boite noire, et de voir l’élaboration en flux tendus). La carte de Facebook analysée et décodée par Thierry Joliveau aurait pu servir d’accroche pour des lycéens internautes …
Une tendance lourde semble emporter ces manuels : les images sont envahissantes (photos, cartes, schémas…).
Certaines photos qui occupent une double page apportent beaucoup moins d’informations qu’un bon texte argumenté (cf ce forum) ; de nombreuses cartes sont redondantes (les espaces innovants dans l’Arc Atlantique).
Un redondance qui tient parfois aux choix faits par les concepteurs du programme.
Le visuel omniprésent restreint la place du texte (1 texte sur une page comportant 4 documents, seulement 3 pages d’auteur dans un chapitre. Faut-il alors s’étonner de lire certaines phrases simplistes : « ancien pays industrialisé, la France… ») ?
La formulation de la problématique est souvent à la limite de la caricature : on prend le libellé officiel, on le fait précéder d’un « Comment » et on ajoute un point d’interrogation. Est-ce vraiment la meilleure manière d’intéresser aux enjeux spatiaux ? Il ne faut pas oublier le flottement qui accompagne souvent la mise en place d’un nouveau programme ou de nouvelles épreuves.
Le choix des lieux d’études de cas est souvent actualisé et intéressant (Toulouse, Grenoble, Saclay). Certains manuels comportent des documents riches, d’autres se contentent d’une addition formaliste (1 texte, 1 carte, 1 schéma, une photo). Le détour obligé par des sources extérieures est un problème : trop souvent, sur ces lieux, il n’existe pas d’étude universitaire préalable, pas de carte rigoureuse adaptées à un public scolaire. Alors, ce sont les images de la promotion politique ou de la publicité commerciale qui sont convoquées. Ou des articles de presse tronqués qui anticipent un chantier annoncé mais parfois jamais mené à terme…
Les croquis et les schémas proposés s’adaptent parfois à l’épreuve de bac, surtout quand ils sont alors dessinés à la main (cf la pratique de Philippe Rekacewicz pour Le Monde diplomatique). Mais plusieurs croquis proposés dans ces manuels (avec des données chiffrées par région) sont impossibles à mémoriser et à reproduire le jour du bac.
En première comme en terminale, on demande aux élèves de croquer des réalités mal connues d’eux, à commencer par la maîtrise si longtemps vilipendée d’une nomenclature simple. Il est probable que l’on demande trop à ces manuels : ils doivent être à la fois un cours rédigé et une collection d’études de cas, une liste de documents étudiés et un cahier de révisions, un livre de photos (souvent en double page !), un atlas, un choix de compositions…. Nos voisins disposent même de manuels distincts selon le niveau, standard ou approfondi. Mais à force de vouloir tout couvrir … St Dié a envisagé leur remplacement par d'autres supports, mais les réussites sont encore rares.
PS - Une info en partie hors sujet :
il est possible de feuilleter le manuel HG de 3e du Livre scolaire :
http://lelivrescolaire.fr/20/1_Histoire_Geographie_Education_civique_3e.html
Comment il a pourri le web, suite
Loys Bonod (lycée Chaptal), France 2, JT 20 h, samedi 24.03.2012
http://jt.france2.fr/20h/
- Les élèves doivent penser par eux-mêmes ;
- Internet n'apporte rien en Lettres ; c'est une source de dévastation.
C'est Loys Bonod (Lycée Chaptal) qui l'affirme sur France 2 et au micro de France-Culture.
De nombreux profs sont prêts à le suivre dans ce jugement abrupt.
- Sur Neoprofs
après une mention peu amène sur l'édito du Café, qui serait "A côté de la plaque"
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/03/26032012Accueil.aspx#edito
et un renvoi vers le blog de Remi Mathis, l'actuel président de Wikimedia
http://alatoisondor.wordpress.com/2012/03/25/eduquons-a-lesprit-critique-pas-au-mepris-du-travail-des-autres/
je lis ce commentaire :
"Luigi, dès que vous lisez "éduquons" dans un post, c'est un pédago". :-):-)
http://www.neoprofs.org/t45429p375-comment-j-ai-pourri-le-web
Le clash cherché est donc bien politique au plein sens du terme,
entre les néo-cons (qui se baptisent abusivement "républicains")
et ceux qu'ils stigmatisent comme des "pédagos", en fait des militants d'une pédagogie active.
Pour les néo-cons, et pour tous ceux qui ne supportent plus les excès des discours de promotion du Tout Numérique, la seule perspective, c'est de "Débrancher l'Ecole".
Pas de se soucier de mettre en place des usages pertinents d'outils disponibles, anciens ou nouveaux, avec ou sans numérique.
un détail : Internet se révèle une arme redoutable entre les mains de ses détracteurs, avec le soutien des médias grand public.
Courage à ceux qui ne désespèrent pas de faire bouger les lignes ...
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- Loys Bonod sur Europe 1, dans l'émission Des clics et des claques
http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Des-clics-et-des-claques/Sons/Des-clics-et-des-claques-26-03-12-1007453/
- Saboter Wikipedia, ou l’école vengée - André Gunthert, Culture visuelle
Pourrir le web, comme pourrir la vie, l’arme des vaincus ?
- Loys Bonod, “Retour sur un petit maelström médiatique“, La vie moderne, 25/03/2012
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Marie-Anne Paveau a rassemblé 25 réactions critiques, dont
- Damien Babet (Sarcelles) :
« L’Ecole soumet les élèves à des injonctions contradictoires :
pensez par vous-même, répétez ce qu’on dit ».
- François Jarraud :
« Ce n'est pas sur la méfiance et le piège qu'on construit une relation pédagogique… le plus troublant dans cette histoire c'est l'écho médiatique que rencontre cette perversion du rapport pédagogique... »
- Notes sur la socialisation des profs
Denis Colombi, sociologue, blog Une heure de peine, 25.03.2012 (source SN)
« Chacun est sommé de se situer : pour ou contre »
« ... L'image qui ressort de cette littérature est celle d'une profession encerclée, cernée de toutes part par les ennemis. Et cet encerclement, ou du moins le sentiment d'encerclement est le produit direct de la dite littérature : c'est que les enseignants peuvent d'autant plus croire ce genre de chose qu'il y trouver un moyen de "généraliser" leur propres expériences singulières. Il y aurait en tout cas beaucoup à apprendre de la contribution de la circulation numérique de l'information à la socialisation professionnelle des profs. Plutôt que de croire qu'Internet n'affecte que les élèves ».
http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2012/03/notes-sur-la-socialisation-des-profs.html
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Un commentaire perso posté un temps sur Néoprofs :
Est-il possible, sur ce forum, d'être entendu en formulant un point de vue davantage nuancé,
en n'oubliant ni les enjeux concrets, ni les visions divergentes sur la modernité ?
- Le web, ce ne sont pas seulement des cours payants en ligne,
c'est un moyen de faire connaître un point de vue sur l'école et le numérique (comment j'ai pourri..) et d'accéder aux médias nationaux
c'est un support exceptionnel dans de très nombreux domaines (3 ex : débattre en ligne, écouter F-Culture en différé,
ou pour Histoires de peintures, utiliser le Web Gallery of Art pour voir les tableaux commentés par le regretté Daniel Arasse ... )
L'expérience de Weblettres, les sites accompagnant l'étude des Métamophorses d'Ovide ou celle des Confessions de Rousseau (JC Cau en 1998)
incitent à penser que le web peut être utile aussi en Lettres.
- La question du plagiat est posée depuis plusieurs années.
Cf Pascal Lardellier en avril 2006 dans Libération : "Google pillé-collé, l'arme fatale des étudiants"
http://clioweb.free.fr/debats/plagiat.htm
- La difficulté nouvelle mise en avant par Loys, c'est plutôt celle de l'accès instantané qui pourrait dispenser de toute forme d'effort (et permettrait la triche lors d'un examen). Nuançons encore. Allez dans une classe de maths. Face à un exo, certains élèves (pas tous) auront la réaction d'attendre que le voisin trouve la bonne réponse.
Avant le web, en Lettres, j'ai souvenir d'une prof préparant un devoir.
Elle avait soigneusement vérifié qu'un poème de Baudelaire était absent des annales de bac.
Par la suite, elle a découvert que Nathan venait de publier une histoire de la littérature
où le poème était commenté. C'était en cédérom au CDI.
Plusieurs questions pour terminer :
- En première, l'année du bac, qu'attend un correcteur ?
Un lycéen qui pense par lui-même ? ou qui a profité du travail mené en classe ?
- La notation des devoirs rédigés à la maison se pose surtout en Lettres et en Philo.
Il existe des solutions simples (coeff différents, contrôle surveillé... soutenance
orale lors d'un TPE)
Quel horaire de Lettres serait nécessaire pour échapper à ce type d'externalisation ?
- Où placer la césure entre la culture et le plagiat ? Où commence la différence entre le commentaire et la paraphrase ?
(cf Montaigne ou Rousseau sur l'éducation ) ?
- Le savoir scolaire peut-il vivre en circuit fermé ?
Les collégiens et les lycéens vivent dans un monde hypermédiatisé.
N'est-il pas préférable de repenser leur formation intellectuelle et de leur donner des outils efficaces ?
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