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Clioweb, le blog
18 septembre 2011

MHF : Pourquoi nous ne débattrons pas

 

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Pourquoi nous ne débattrons pas de l'Avant-projet de la Maison de l'histoire de France
Isabelle Backouche et Vincent Duclert -  Le Monde 14/09/2011

Le texte en version intégrale (10 pages)http://clioweb.free.fr/debats/mhf/duclert-backouche-09-2011.pdf

 
 Annoncées à grand renforts de communication institutionnelle, de mailings aux historiens et d'appels aux citoyens, les rencontres régionales de la "Maison de l'histoire de France" ont pour vocation de présenter l'avant-projet élaboré par le Comité d'orientation scientifique et de recueillir remarques et contributions, avant que le texte définitif ne soit rendu "à la fin de l'année 2011".
 
 
 Pour les préparer, le document remis à Frédéric Mitterrand le 16 juin a été largement diffusé afin de le soumettre "aux avis et aux remarques de professionnels du monde de l'histoire et de la culture en France" (lettre du 31 août).
Mais débattre sur quoi ? Débattre comment ? Débattre pourquoi ?
 
 Le débat appelé de ses vœux par le Comité d'orientation scientifique concerne non pas le projet de Maison d'histoire de France mais seulement l'avant-projet du Comité d'orientation scientifique, lequel ne discute pas du bien-fondé d'un tel projet depuis longtemps acté – et sans concertation. Il se plie même aux décisions les plus brutales, à commencer par l'installation de cette "maison" aux Archives nationales – qu'une grande partie du personnel rejette toujours.
 
 Sur le fond, le texte souffre d'un double défaut. L'alignement de grands concepts souvent vides de sens est tel qu'on se demande comment tirer des lignes directrices d'un pareil discours et comment ensuite imaginer un musée, que ce dernier s'appelle ou non "maison". L'exposition de préfiguration, "La France, quelle histoire !", décrite succinctement sur deux pages, ne lève pas les inquiétudes et illustre au contraire la seconde faiblesse du rapport. Car le souci de faire populaire, d'attirer le grand public et les jeunes particulièrement, conduit à adopter les seules postures de la communication.
 
 Quant à la scientificité proclamée, elle souffre de multiples entorses. Aucun état des lieux de l'acquis des musées d'histoire, aucune synthèse sur l'état de la recherche en matière d'histoire au musée, aucune bibliographie analytique, des
citations issues d'où l'on ne sait, des fiches didactiques en lieu et place de véritables problématisations, etc. Il ne suffit pas d'invoquer la "rigueur scientifique", la "connaissance authentifiée du passé" ou la "valorisation de la recherche" pour s'y tenir effectivement. Comment donc un débat approfondi pourrait-il s'enclencher sur de telles bases ?
 
 Les conditions de la consultation ne peuvent qu'inquiéter aussi. Le programme type d'une rencontre concentre des interventions de responsables de l'Association de préfiguration de la Maison de l'histoire de France et du Comité d'orientation scientifique. Les "interventions de personnalités de la culture et de l'histoire" et le "débat avec la salle" sont renvoyés en fin de séance. On aurait pu imaginer qu'au contraire, les membres du comité d'orientation affronteraient un véritable débat critique. Et si l'on souhaite contribuer par l'envoi de textes, il faut savoir que ceux-ci ne feront pas l'objet de réponse individuelle. Là encore les échanges sont verrouillés. Le Comité indique certes que "les propositions et les commentaires exprimés seront pris en compte lors de la rédaction du projet définitif".
 
 Pour mémoire l'avant-projet sur lequel porte la consultation n'a intégré aucun avis extérieur au Comité ni examen des critiques pourtant fondées qui se sont développés depuis l'annonce présidentielle de la création de cet établissement (12 septembre 2010). L'avant-projet aurait pu rassurer quant à la méthode de débat, en restituant les avis divergents et motivés, et en y répondant. Aucune de ces bonnes pratiques intellectuelles n'a été assumée. La question qu'il faut désormais se poser, c'est de savoir qui, dans les faits, refuse le débat ?
 
 Pourquoi enfin débattre du projet alors que sa préfiguration scientifique se révèle être le paravent de choix politiques et l'alibi d'une programmation technique largement engagée, notamment pour remodeler le site des Archives nationales. Depuis la décision du 12 septembre, la construction de l'entité "MHF" avance en effet à marche forcée. Les Archives nationales sont placées devant le fait accompli de leur spoliation d'espaces indispensables à leur modernisation et à leur rayonnement ; l'établissement public de la Maison de l'histoire de France sera créé le 1er janvier 2012 entrainant avec lui la fédération de neuf musées nationaux et la perte de leur autonomie singulière.
 
 Que l'on envisage un nouveau musée d'histoire en France est une idée ancienne et pertinente. Que l'on en fasse l'instrument d'une politique d'étouffement du réseau muséographique et de nivellement du savoir scientifique n'est pas acceptable, pas plus que ne l'est le comportement d'un ministère prêt à tout pour arriver à ses fins et complaire à l'autorité présidentielle, excluant du programme tous les grands professionnels du secteur (comme le rappelait ici même Laurent Gervereau le 6 septembre), dépossédant les directions centrales de leurs prérogatives régulières au profit de cellules de cabinet, refusant le débat puisqu'avec les premiers rapports pro domo se serait donc achevé le "temps de la réflexion et de la concertation avec la communauté des historiens".
 
 Les historiens que nous sommes n'ont rien à voir avec ces pratiques. Reste qu'une habile communication présente la Maison de l'histoire de France comme un projet évident dont il faut en être. Surplombant ces illusions de pouvoir, demeure le devoir de questionner les évidences qu'on promeut comme l'incarnation de la modernité. Nous ne tenons pas, avec bien d'autres, à renoncer à cette habitude professionnelle, à cette responsabilité intellectuelle.
 
Isabelle Backouche et Vincent Duclert ont dirigé avec Jean-Pierre Babelon et Ariane James-Sarazin) l'ouvrage Quel musée d'histoire pour la France ? (mars 2011, Armand Colin).
 

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- Une mise au point, assortie d’une analyse critique de l’Avant-projet
(10 pages au format pdf) : 
http://clioweb.free.fr/debats/mhf/duclert-backouche-09-2011.pdf

- L'appel à pétition lancé par l'Intersyndicale :
http://clioweb.free.fr/debats/mhf/non-mhf-an.doc

- Le groupe Musée-Histoire-Recherche :
http://www.facebook.com/pages/Groupe-Musée-Histoire-Recherche/119318451476117

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 sauvons1

photo Clioweb - 17/09/2011

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