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10 mars 2011

Le roman national et ses nuances


L'extrait précédent tiré de la leçon d'Ernest Lavisse sert en général à illustrer et déconstruire le roman national attribué à l'historien et à ses contemporains.

Le roman national désigne une lecture très idéalisée d'une histoire franco-française. Dans une France qui existerait de toute éternité, l'histoire aurait faite surtout par des 
« grands hommes », héros guerriers, souvent vaincus (Vercingétorix, Jeanne d'Arc, Napoléon)... Cette vision de l'histoire aurait submergé les manuels d'histoire de l'école primaire, dans une Troisième République hantée par la Revanche.

Cette lecture nationale, voire nationaliste et chauvine, a été vivement critiquée et déconstruite au milieu des années 1980. Pierre Nora a dirigé une étude sur Les Lieux de mémoire, et Suzanne Citron a revisité ce qu'elle appelle « Le mythe national ». cf  Le « roman national » peut-il être remis en question ? Diasporiques, mars 2010 


Cette déconstruction d’une histoire mythifiée semble cependant à nuancer :

- Anne-Marie Thiesse a étudié « La création des identités nationales en Europe - 18°-20° siècle ». La France n'est pas le seul pays concerné, ni 1880 le seul temps fort ; à l'échelle de l'union européenne actuelle, la tentation du mythe est encore forte.

Pour Annie Bruter, le roman national ne date ni de 1880 ni de la Révolution.
« Il est couramment admis que c’est l’école qui a forgé le sentiment national chez les petits Français grâce à l’enseignement de l’histoire nationale mis en place par la IIIe République, elle-même héritière de la Révolution française. Or l’examen des textes officiels sur cet enseignement montre qu’il s’agit là d’une généalogie mythique. La Révolution n’a pas souhaité faire enseigner l’histoire de France à l’école primaire ; en revanche, la création de cet enseignement est dûe au Second Empire (l’HG est obligatoire au primaire depuis la loi du 10 avril 1867) et non à la IIIe République, dont l’œuvre propre consiste dans la suppression de l’histoire sainte. On est ainsi conduit à relativiser le rôle de l’école dans l’édification du sentiment national ». De plus, la création d'une instruction civique et morale a pu permettre la rupture avec une vision édifiante de l'histoire : l'histoire est tirée 
du côté de la science (en cours d'élaboration), des disciplines scolaires intellectuelles destinées à former le jugement et l'esprit critique. L’attrait pour les grands hommes peut venir des manuels et de la pratique de la classe.

Une intervention à l'INRP lors du séminaire Ecole et Nation ( 1er avril 2009) à écouter en mp3 ou en avi

ou à lire dans la revue Histoire de l'Education, n° 126 - http://www.inrp.fr/editions/revues/histoire-de-l-education/
Il 
en coûte 18 euros pour l'ensemble du numéro imprimé, ou 5 euros l'article en ligne (cela porte la version numérique de la revue à plus de 35 euros, une conception toujours surprenante des prix et de l'économie appliquée au numérique :-) )


- Le Petit Lavisse est souvent pris pour cible. 
On peut comme ce site web en dénoncer le chauvinisme en 1919. 
Olivier Loubes rappelle que ce 
n'était pas le seul manuel utilisé, ni le plus vendu à certaines dates. Il montre, à travers six exemples, l'évolution de la pensée des auteurs. Ainsi, 1884 met l’accent sur la revanche, 1919 met en exergue la SDN (qui ne figure pas au programme) et vante la France comme patrie porteuse de paix. Lavisse, l'instituteur national, dans 1500 ans d'histoires de France, L'Histoire, coll n° 44, jt-sept 2009

 

lavisse1887

source : http://www.faurillon.com/Marius_Bonnelle.htm

 [ ajout 10/04/2011 : 
- Olivier Loubes, Lavisse, l'instituteur national, 
dans 1500 ans d'histoires de France, L'Histoire, coll n° 44, jt-sept 2009
 
Egalement dans ce numéro de L'Histoire
Alain Demurger, Nos ancêtres les Troyens
Laurent Avezou, Francs ou Gaulois ?
 
Patrick Boucheron, Michelet, prophète de la nation
Olivier Loubes, Ernest Lavisse, m'instituteur national
Philippe Joutard, Ce qu'on apprenait dans les écoles catholiques
Maurice Agulhon, La République a besoin de grands hommes (242)
 
Michel Winock, Révolution : la querelle du Bicentenaire (220)
http://lecercle.histoire.presse.fr/index/2_numero.php?revue2=44&cat=coll
- Christian Goudineau, Le mythe gaulois, colloque de l'INRAP, cours au Collège de France
 http://clioweb.canalblog.com/archives/2010/02/28/17063934.html
 
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