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8 septembre 2010

Education : la gauche au défi

Réforme de l'éducation : la gauche au défi
Point de vue de Suzanne Citron - Le Monde, 27.08.10

« Interrogé sur les surenchères sécuritaires de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement et sur l'échec des politiques d'intégration (Le Monde du 17 août), Daniel Cohn-Bendit remarquait que "c'est la désintégration de la société qui crée les problèmes d'intégration". Mais, ajoutait-il, "la gauche s'est laissée enfermer dans un débat sur l'immigration sans parvenir à imposer le sujet de l'école. Or, l'intégration c'est l'école. A la gauche de réfléchir aux réformes de l'éducation pour l'adapter à la nouvelle structure de nos populations".
Que l'école soit l'une des clefs de l'intégration, c'est pour la gauche une évidence. Mais, à l'exception d'une rencontre, animée notamment par Vincent Peillon, à l'automne 2009, on chercherait en vain dans la sphère politique une analyse critique argumentée de l'inadaptation de notre système scolaire et de ses prérequis institutionnels et culturels hérités du XIXe siècle.

L'empilement de mesures hâtives et incohérentes, imposées depuis 2007 par les ministres Xavier Darcos et Luc Chatel sans concertation et dans l'absence d'un projet global (hormis des objectifs purement comptables), a suscité le mouvement de protestation de 2009.

Mais, face aux improvisations gouvernementales en désordre (suppression du samedi matin, nouveaux programmes dans le primaire, réforme du lycée, démantèlement des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) et de la formation professionnelle des enseignants, etc.), les objectifs des manifestants se sont entrecroisés sans qu'un véritable relais politique ne rationalise les critiques.

Il serait pourtant essentiel que les différents courants de gauche se retrouvent pour formuler de façon audible et solennelle les enjeux et les contours d'un système éducatif pour la société française du XXIe siècle, prenant en compte les mutations sociales, culturelles, institutionnelles des cinquante dernières années.

Comment expliquer l'absence d'analyses et de propositions (notamment de la part du Parti socialiste) sur les raisons profondes du décrochage et de l'échec scolaires, sur le dysfonctionnement des enseignements en alternance supposés palliatifs et finalement sur la désintégration des personnalités qui résulte de ces failles ? Pusillanimité, tactique électoraliste, face aux lobbies bureaucratiques, académiques ou corporatistes ? Manque d'audace intellectuelle pour proposer au choix des citoyens français, (dont les premiers concernés sont les enseignants et les parents) les pistes et les étapes d'un changement sur le long terme ?

Tant que la gauche n'aura pas clarifié les véritables enjeux et démystifié le manichéisme simplificateur répandu à satiété par la droite, qui oppose un soi-disant pédagogisme et la défense du vrai savoir, elle restera incapable de proposer une alternative crédible et réaliste. La gauche doit, sur cette question, procéder à son examen de conscience et mettre le doigt sur ses propres contradictions entre la défense implicite d'un modèle traditionnel plus ou moins intouchable et l'invention progressive et réaliste d'une éducation diversifiée dans ses approches, avec pour objectif l'acculturation, la socialisation et l'épanouissement de tous et de chacun.

Nombreux sont, depuis des décennies, les travaux, les constats, les publications en sociologie, en histoire de l'éducation, en sciences politiques qui pourraient inspirer un think tank "réforme de l'éducation" à créer d'urgence. Il se positionnerait dans le sillon du courant réformateur de gauche qui remonte à Jean Zay, ministre du Front populaire, et a inspiré les tentatives de la Libération (projet Langevin-Wallon, action de Gustave Monod, directeur de l'enseignement secondaire et créateur des classes nouvelles).

Rappelant les propos de Marc Bloch dans ses écrits clandestins sur la réforme de l'éducation : "l'ancien système humaniste a vécu, il n'a pas été remplacé", on évoquera aussi le grand colloque d'Amiens de mars 1968 qui, sur un éventail de propositions pour changer l'école, a rassemblé un très large public.

Prenant acte des évolutions positives et, pour les dépasser, des impasses de l'école publique dans les cinquante dernières années, la gauche amorcerait ainsi un grand débat national sur les modalités institutionnelles, épistémologiques et culturelles de l'inéluctable réforme de l'éducation ».

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