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27 octobre 2009

Bloch, Reims et la fête de la Fédération

Marc Bloch, l’Étrange défaite, Folio histoire, Gallimard 1990,

Marc Bloch (1886-1944)
L’étrange défaite. Témoignage écrit en 1940
Société des Éditions Franc-Tireur, Paris, 1946
http://classiques.uqac.ca/classiques/bloch_marc/etrange_defaite/etrange_defaite.html

Classiques, page 103, version word :
« Parce que la bourgeoisie était ainsi anxieuse et mécontente, elle était aussi aigrie. Ce peuple dont elle sortait et avec lequel, en y regardant de plus près, elle se fût senti plus d’une affinité profonde, trop déshabituée, d’ailleurs, de tout effort d’analyse humaine pour chercher à le comprendre, elle préféra le condamner. On saurait difficilement exagérer l’émoi que, dans les rangs des classes aisées, même parmi les hommes, en apparence les plus libres d’esprit, provoqua, en 1936, l’avènement du Front populaire. Quiconque avait quatre sous crut sentir passer le vent du désastre et l’épouvante des ménagères dépassa, s’il était possible, celle de leurs époux. On accuse aujourd’hui la bourgeoisie juive d’avoir fomenté le mouvement. Pauvre Synagogue, à l’éternel bandeau. Elle trembla, j’en puis témoigner, plus encore que l’Église. Il en fut de même pour le Temple. « Je ne reconnais plus mes industriels protestants »  me disait un écrivain, né dans leur milieu. « Ils étaient naguère, entre tous, soucieux du bien-être de leurs ouvriers. Les voici, maintenant, les plus acharnés contre eux. » Une longue fente, séparant en deux blocs les groupes sociaux, se trouva, du jour au lendemain, tracée dans l’épaisseur de la société française ».

Folio, p. 197,198,199 (source SC)

« Certes je n’ai nulle envie d’entreprendre ici l’apologie des gouvernements du Front populaire (…) Mais l’attitude de la plus grande partie de la bourgeoisie française fut inexcusable. Elle bouda, stupidement, le bien comme le mal. (…)

"Surtout, quelles qu’aient pu être les fautes des chefs, il y avait dans cet élan des masses vers l’espoir d’un monde plus juste, une honnêteté touchante, à laquelle on s’étonne qu’aucun cœur bien placé ait pu rester insensible. Mais combien de patrons, parmi ceux que j’ai rencontrés, ai-je trouvé capables, par exemple de saisir ce qu’une grève de solidarité, même peu raisonnable, a de noblesse : « passe encore, disent-ils, si les grévistes  défendaient leurs propres salaires ». Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. Peu importe l’orientation présente de leurs préférences. Leur imperméabilité aux plus beaux jaillissements de l’enthousiasme collectif suffit à les condamner. Dans le Front populaire, - le vrai, celui des foules non des politiciens - il revivait quelque chose de l’atmosphère du Champ de Mars au grand soleil du 14 juillet 1790.»

 

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